Selon Rabbi Nahman de Braslav (l'un des maîtres du hassidisme), les maîtres trop savants sont dans l'incapacité d'innover. Leur savoir gigantesque les trouble, les enferme. Ils s'embrouillent dans les multiples préliminaires dont ils se sentent obligés de faire précéder leur propos. Pour innover, il faut restreindre son savoir, faire le vide, éviter les synthèses préalables. Même l'homme le plus simple peut voir de nouveaux sens dans les mots. Il peut recombiner les lettres, découvrir d'autres interprétations, à condition de ne pas prétendre produire de nouvelles lois - car une loi supplémentaire renforcerait encore l'institution, au lieu de l'affaiblir et de la détruire.

L'homme n'a pas seulement le droit d'innover, il en a le devoir. Pour accéder à lui-même, il doit se retirer de soi, se dégager de la subjectivité impersonnelle produite par les institutions pour faire advenir son propre monde. Pour cela le hassid déconstruit la pensée, l'artiste produit des oeuvres. Tout grand texte pense au-delà de lui-même. Il brise l'horizon, entre avec nous dans un rapport autre, inépuisable.

L'étude est un acte de résistance au langage des institutions, un acte de détotalisation, un refus de l'être impersonnel. Il s'agit de retrouver le pouvoir des mots. En disant Je ne sais pas, on rend la parole à la langue, on la soustrait à la cadavérisation.