L'oeuvre de Charles Ray intitulée Révolution, contre-révolution a toutes les apparences d'un manège de foire. Mais l'artiste a déconnecté les chevaux et le manège. Quand le manège avance, les chevaux reculent. C'est le sens littéral du titre et aussi le mode de fonctionnement de l'art critique ou politique : en faisant semblant d'avancer, il fait reculer le manège. L'art critique est une parodie de critique (et aussi une parodie de politique) comme le manège est une parodie de manège.

L'art politique se voudrait à la fois représentatif, esthétique et éthique (les trois régimes de l'art selon Rancière). C'était l'idéal de Brecht avec sa "distanciation". Mais il n'y a pas de raison pour que le choc esthétique se traduise en activité politique. S'il y a dissensus, c'est à l'intérieur même du monde sensible. L'écart entre les fins de l'art critique et ses formes réelles d'efficacité est irréductible, et lorsque le discours critique ne fait que répéter des choses connues (condamner la violence, la misère, les icônes publicitaires ou la bêtise), il n'est pas dissensuel, mais consensuel. Nous percevons les mêmes choses et leur donnons la même signification. Le "choc critique" se borne à une rhétorique justificative de la place de l'artiste et de son "message" qui n'a pas varié depuis des décennies. Le modèle critique tend à son annulation.