Toute adresse à l'autre, tout questionnement, tout savoir y compris philosophique ou scientifique, toute performance y compris technologique ou télévisuelle, est conditionnée par une expérience testimoniale. Sans cette expérience qui atteste de la possibilité d'une vérité, sans cette fiduciarité élémentaire, il n'y aurait ni croyance, ni critique, ni même désenchantement. En effet que se passe-t-il en cas de désenchantement [quand la croyance semble perdre ses fondements]? Si le crédit à l'autre est miné, divisé, ou si les deux sources de la religion se disjoignent? Rien qui affecte vraiment cette fiduciarité élémentaire, au contraire, car il faut, à toute communauté, une certaine "déliaison interruptive" pour respirer, il lui faut la possibilité d'une ouverture ou d'une coupure (c'est son secret). Le désenchantement ne suspend pas l'expérience testimoniale. Cela vaut pour la désacralisation de notre époque autant que pour la sécularisation ou la laïcisation et même un certain athéisme [qui tous héritent de la religion, y compris la théologie négative]. Cette disjonction n'arrête pas l'histoire mais la fait.

Si la foi originelle conduit à un lien social, ce n'est pas sur la base d'une relation commune à l'autre, mais à partir de l'inaccessibilité de l'autre. Sans foi partagée, il n'y a pas de lien social, mais ce qui est mis en commun par ce "partage" de foi est un secret non partageable, une disjonction de l'espace-temps.