Francis Bacon estimait que ce triptyque (dont on ne voit ici que le panneau de droite) était sa première oeuvre. Tout ce qu'il avait fait avant, il le détruisait ou le reniait; et tout ce qui allait suivre n'en serait que le développement. Or qu'y trouve-t-on? Un hurlement d'angoisse.

Le hurlement creuse un précipice dans la toile et y laisse des traces plus ou moins reconnaissables, quelques nappes de sang, la perte de la vue ou le rétrécissement des membres. Pourquoi rétrécir les membres? Parce qu’il s’agit de la crucifixion. Les mains et les pieds sont plus que percés; ils sont carrément abolis.

Dans le cas particulier, cette crucifixion ne semble pas infligée par un tiers. Ce n’est pas non plus la figure qui se l’auto-inflige; non, elle la subit à son corps défendant, comme on dit. Ce qui se passe, c’est que la crucifixion est là. Elle est dans l’espace et elle a lieu, en ce moment même. Ce n’est pas un évènement extérieur (primaire par exemple), qui concernerait une autre personne (une personne ancienne ou une personne passée); non, c’est un évènement actuellement présent, un évènement que nous n’avions pas l’habitude de voir et que Francis Bacon nous montre.

Tu es ce personnage et tu hurles avec lui. Nous tous, nous hurlons avec lui.