Derrida
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Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Sur l'"autobiographie", alliance entre vie et mort                     Sur l'"autobiographie", alliance entre vie et mort
Sources (*) : "La vie la mort" : graphies d'alliance               "La vie la mort" : graphies d'alliance
Pierre Delain - "Après...", Ed : Guilgal, 2017, Page créée le 2 octobre 2019 Orlolivre : conjuguer vie et mort, sans les opposer

[L'alliance autobiographique entre "moi" et l'"autre moi" qui me raconte, c'est aussi une alliance entre vie et mort]

Orlolivre : conjuguer vie et mort, sans les opposer
   
   
   
                 
                       

1. L'autobiographie chez Derrida.

Autobiographie est le mot qui désigne le récit, par un narrateur parlant à la première personne, de ce qui s'est passé pendant sa vie : bonheurs, malheurs ou accomplissements. On peut l'entendre de deux façons :

- le "je" qui raconte ne se croit pas différent de celui qui est raconté. Dans cette structure de présence à soi-même, il n'y a pas de distance entre les deux "je". En croyant raconter lui-même son histoire, le "je" raconté peut se dire : Je m'entends parler.

- le "je" qui raconte considère l'autre "je", celui qui est raconté, comme déjà mort. Il ne reste alors de la vie racontée rien d'autre que le récit. L'autobiographie ne renvoie qu'à des éléments textuels ("il n'est rien en-dehors du texte"). Tout ce qui revient de cette fable fait retour à la signature, au nom, et non pas au porteur vivant du nom.

Il y a dans l'autobiographie deux "je" dissymétriques, dissociés, étrangers l'une à l'autre : l'un aura été vivant et l'autre déjà mort, et ces deux "je" ne s'excluent pas, au contraire, ils se nouent dans une relation d'alliance. Chaque fois qu'un vivant déclare "moi", ou "je", il signe avec lui-même un contrat secret, inouï. En tant que porteur du nom, il s'accorde un crédit. Son identité, il ne la tient pas d'un contrat avec ses contemporains, mais d'un contrat avec lui-même qui l'autorise à dire "Je suis". A ce titre il parle, il écrit, il attend de l'autre, du lecteur ou de l'auditeur, une contresignature qui confirmera ce contrat, qui le bouclera, qui le fermera sur lui-même.

Un film purement autobiographique, si cela existait, serait complètement fermé sur lui-même. C'est impossible, mais certains films tendent effectivement vers cette structure.

 

2. Sur les biographies dans le séminaire "La vie la mort".

Jacques Derrida s'intéresse à des auteurs dont l'œuvre est indissociable de la vie. C'est le cas de Nietzsche, qui a écrit une autobiographie, Ecce homo, et dont on peut dire que tout ce qu'il a écrit est une sorte d'immense paraphe biographique où il a mis en scène son nom, sa signature. C'est le cas aussi de Freud avec Au-delà du principe de plaisir, où son corps, sa famille, sa vie personnelle sont impliqués, et c'est le cas aussi pour Derrida lui-même à travers son enseignement. Chaque fois qu'il dit "je", il s'engage par sa bouche vivante d'orateur et il laisse un écrit. François Jacob ou Martin Heidegger apparaissent dans le séminaire comme des contre-exemples par rapport à Nietzsche ou Freud. La biologie suppose un sujet neutre, vide, dépourvu d'histoire singulière mais cela n'empêche que, avec son désir, le biologiste soit partie prenante du champ investi. Heidegger évite de dire "je", mais sa biographie se traduit aussi dans son rapport à la métaphysique. Leur "vie" n'est pas supprimée mais oubliée, spectralisée. On la retrouve quand même dans ce qu'on peut nommer leur œuvre.

 

3. Clivages de l'ipséité.

Une autobiographie est un texte, un objet technique qui se détache du "je" vivant tout en participant toujours de l'autos, de l'ipséité. Une fois détachés, les mots parlent d'eux-mêmes comme s'ils étaient prononcés par un perroquet. L'intériorité est perdue, le sens ne peut venir que de l'autre. Le "je" vivant n'est plus dans le monde, c'est désormais le texte, l'artefact qui est devenu le souverain qui parle tout seul.

Cela ne vaut pas seulement pour un texte. Si tout vivant peut s'affecter soi-même, il peut produire des traces de cette auto-affection. Même les animaux, selon Derrida, s'"autobiograparaphent". Il signent à leur manière.

 

4. Limitrophie.

Dans le séminaire La vie la mort, Derrida tente de travailler, pour chaque auteur cité, la limite entre vie et œuvre. Mais plutôt que le mot limite, qui laisse entendre que la vie et l'œuvre seraient séparées par une ligne indivisible, il préfère le mot bord. La vie d'un auteur, son corps et son corpus, sont traversées par le même bord divisible, dynamique, mouvant, complexe, qui peut se transformer, s'étendre ou se rétracter, se faire texte, trace, reste et aussi idiome, comme il l'explique à propos de Cézanne dans La vérité en peinture. Il n'y a donc pas de séparation tranchée, de frontière entre la vie et l'œuvre. Le bord s'infiltre, c'est un passe-partout à la fois dedans et dehors, ni dedans ni dehors, qui peut se présenter comme cadre et aussi comme figure ou fond, forme ou contenu, signifiant ou signifié, copyright, page de garde, exergue, parerga, etc. Pour souligner la dimension mobile, hétérogène de ce bord qui peut toujours travailler à défaire ce qu'il a fait, Jacques Derrida utilise aussi le mot limitrophie. A chaque fois qu'on engage un nom, une signature, on laisse venir des différences de force qui contribuent à disloquer ce nom et cette signature, on empêche qu'elle se fige dans une écriture morte, une thanatographie.

 

 

"Sa propre identité, celle qu'il déclare, veut déclarer, et qui n'a rien à voir, qui est hors de proportion avec ce que les contemporains connaissent sous ce nom, sous son nom, Friedrich Nietzsche, sa propre identité, il ne la tient pas d'un contrat avec ses contemporains, mais du contrat inouï qu'il a signé avec lui-même, par lequel il s'est endetté lui-même auprès de lui-même, crédit infini et qui est sans rapport avec celui que les contemporains lui ont ouvert ou refusé sous ce nom de Friedrich Nietzsche" (La vie la mort, pp51-52).

"Si la vie qu'il vit et qu'il se raconte comme son auto-biographie n'est d'abord sa vie que comme effet d'un contrat secret, d'un crédit ouvert, d'un endettement ou d'une alliance ou d'un anneau, alors il peut dire, tant que le contrat n'aura pas été honoré - mais il ne peut l'être que par l'autre - que sa vie n'est peut-être qu'un préjugé" (La vie la mort, p52).

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Propositions

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Chaque fois qu'un vivant déclare "moi", "je", "je vis", il signe avec lui-même un contrat secret, inouï, il s'ouvre un crédit, une alliance cryptée qui ne peut être honorée que par l'autre

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Qu'un "je" se cite soi-même, qu'il en fasse le récit, c'est ce qui, dans la vie comme dans la Genèse, donne lieu à l'alliance de l'affirmation avec elle-même : "oui, oui"

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Le vivant, ce texte qui ne renvoie qu'à des éléments du texte, ne peut être traduit que par les produits de sa propre traduction - c'est la structure de la fable

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Tout appel à un modèle, sur le mode économique de la comparaison, tend à prendre une forme circulaire où le modèle a pour finalité de devenir le modèle de son modèle

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L'énigme de l'autobiographie qui engage un nom, une signature, tient au retour de différences de forces qui, disloquant l'"autos", ne se laissent pas saisir par une pensée de l'être

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Quiconque dit "Je", s'appréhende ou se pose comme "Je", est un vivant animal capable de s'affecter soi-même, de s'autobiograparapher

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Le récit autobiographique de "ma vie" ne tient en place que par le retour de l'alliance, le "oui, oui" donné au don de la vie en un lieu qui n'a pas lieu, sur une bordure disparaissante

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Toute autobiographie, fiction ou confession, laisse derrière elle un artefact souverain, qui parle tout seul dans le monde, disloquant l'ipséité

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[La signature derridienne n'est rendue effective qu'au bord de son oeuvre, là où le corpus se noue à la vie]

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