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de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, fable, récit                     Derrida, fable, récit
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 11 octobre 2013 En s'auto - affectant, l'oeuvre ouvre un monde

[Derrida : fable et récit]

En s'auto - affectant, l'oeuvre ouvre un monde
   
   
   
                 
                       

1. La structure de la fable est celle de la parole.

Pour définir la fable, Jacques Derrida s'appuie sur l'étymologie du mot en latin : fabula (propos, parole, conversation, récit mythique, légende, pièce de théatre), ou for, fari (parler, dire, célébrer, chanter, prédire). Qu'elle se présente comme fiction ou récit allégorique, la fable semble porter un savoir à la connaissance de l'autre, mais ce savoir n'est qu'un effet de rhétorique, un acte de langage, un discours, un simulacre, un récit agencé pour donner du crédit, "faire" une vérité.

Les fables contiennent toujours un discours de l'homme sur l'homme, pour l'homme et en l'homme, y compris quand elles présentent des figures animales, toujours apprivoisées, assujetties à l'humain, et y compris pour montrer ce qui, en l'homme, fait exception au propre de l'homme. Ces récits ou simulacres doivent, comme des mensonges, être présentés comme des vérités.

En racontant une histoire, on fait comme si. L'histoire fait sens, elle s'entend directement d'une bouche. Qu'elle soit vécue ou non comme affabulation, ce qui compte est qu'une interprétation immédiate en soit faite, performativement, à même le récit.

Dans la catégorie de la fable, on peut ranger des histoires présentées comme des fictions, mais aussi des discours politiques, des images, des "événements" racontés par les médias ou répercutés par les porte-parole des pouvoirs. En faisant semblant de faire savoir quelque chose, ils font passer une parole, ils mettent en oeuvre une interprétation.

 

2. L'autre côté du miroir.

Toutefois la fable est aussi un texte. Elle n'explique rien, mais elle dispense un enseignement, elle donne une leçon (comme dans les Contes de Perrault ou les Fables de La Fontaine). Elle montre que le pouvoir est lui-même un un effet de fable, une fiction, une parole fictive et performative. Le fondement mystique de l'autorité se manifeste en elle directement, dans son évidence visible, éclatante. La force qui donne le droit tient sa puissance de sa simple proclamation. En se donnant raison à lui-même, le souverain se met en spectacle. Il suscite l'imagination de l'auditeur, du lecteur et du spectateur. Comme pour le loup de La Fontaine, il rayonne, sans même avoir à justifier cette mystification.

Pour analyser ce dispositif textuel (cette structure ou stricture), Jacques Derrida privilégie un poème de Francis Ponge intitulé "Fable".

"FABLE. Par le mot par commence donc ce texte / Dont la première ligne dit la vérité / Mais ce tain sous l'une et l'autre / Peut-il être toléré? / Cher lecteur déjà tu juges / Là de nos difficultés. / (APRES sept ans de malheurs / Elle brisa son miroir)" (publié dans Proèmes).

Dans cet événement de langage, en une fois, adviennent le même et l'autre. Partant de la parole, la fable s'auto-engendre, elle s'invente en inventant le récit de son invention. En se déployant dans le même, en instituant une réflexivité originaire, en réunissant des fonctions hétérogènes (performatif / constatif, faire / description, auto-référence / hétéro-référence), elle passe de l'autre côté du miroir, elle annonce l'émergence de l'autre. Un texte qui ne parle que de lui-même finit par se briser; il doit faire le deuil de la parole en lui, accepter cette blessure.

 

3. Le récit.

Il faut que le récit raconte au présent ce qui a eu lieu, et il faut aussi qu'il se raconte raconter (qu'il affirme la loi du genre : "Je suis un récit"). Pour Derrida, cette structure de double affirmation par laquelle il s'allie avec lui-même se situe dans les mêmes parages que celle de la vie. Avant la parole, qui hérite de cette structure, il y a le texte de la vie. Une origine est mise en scène (scène primitive ou genèse), une écriture s'auto-affecte en se citant elle-même. Comme une fable, le texte de la vie ne peut être traduit que par les produits de sa propre traduction.

Comme la fable, le récit répond à une demande de vérité. Il exige un auteur, un narrateur, un "je" qui, sans autre justification que le redoublement du texte sur lui-même, nous assure de son identité et de son unité. Quelles que soient l'instance ou les forces dont cette demande provient : de sujets, de la société, du discours d'une autorité, d'une institution ou d'une police, elle insiste. C'est elle qui ouvre la voie à l'extériorité et creuse dans le texte une structure d'invagination. Débordé, affolé, le texte ne peut pas satisfaire aux demandes, exhibant la fragilité des artifices conventionnels, il reste inachevé. Ainsi le récit se déconstruit-il lui-même, il est le récit de sa déconstruction. Lieu du "droit" à la littérature (le droit de tout dire), il est aussi celui de l'impossible à dire : le secret, l'événement cryptique, la sur-vie qui le mettra en mouvement. Cette sur-vie, pour Derrida, est sa sur-vérité, celle qui ne peut se raconter que dans la langue de l'autre.

 

4. Un reste intraduisible.

Le "comme si" fabuleux introduit une sémantique indéterminée, variable, plastique, mais suffisamment conventionnelle pour être propice à l'art (le lieu où se croisent les fables) comme à la bêtise (qui appelle, dans sa mobilité, des réponses fabuleuses). Pour lire ce qui est secret, intraduisible, indéchiffrable, illisible, pour le traduire dans la langue courante, il faut de la fable; et inversement, dans toute fable il y a aussi du secret, de l'intraduisible, de l'indéchiffrable, de la différance. C'est pourquoi il est toujours question, dans une fable, de la différence la plus fabuleuse, la différence sexuelle.

L'oeuvre derridienne a donc, elle aussi, quelque chose de fabuleux. Il lui faut ses figures animales, son bestiaire, qui ne renvoie pas à un discours de l'homme sur l'homme, mais à l'ouverture du vivant.

cf : Tout récit fabuleux raconte la différence sexuelle / Il n'y a pas de parole qui ne traduise quelque chose comme cette fabuleuse différence sexuelle.

 

 

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Propositions

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L'invention s'invente en inventant le récit de son invention : c'est une fable, un événement de langage où adviennent, en une fois, le même et l'autre

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Qu'un "je" se cite soi-même, qu'il en fasse le récit, c'est ce qui, dans la vie comme dans la Genèse, donne lieu à l'alliance de l'affirmation avec elle-même : "oui, oui"

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La fable est parole; en parlant d'elle-même, elle "fait" la vérité

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L'essence du mensonge, de la fable ou du simulacre, c'est qu'ils se présentent comme la vérité

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Un récit répond à une demande de vérité : il faut raconter ce qui a eu lieu, une scène de sur-vision qui touche à l'aveuglement, à l'origine invisible de la visibilité

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Tout récit porte en lui une structure d'invagination mettant en défaut les instances ou autorités qui exigent un auteur, un narrateur ou un "je" à l'identité assurée

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Les figures animales du bestiaire autobiographique et philosophique de Jacques Derrida ne sont pas fabuleuses, elles sont liées à l'ouverture de la différence sexuelle

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Le vivant, ce texte qui ne renvoie qu'à des éléments du texte, ne peut être traduit que par les produits de sa propre traduction - c'est la structure de la fable

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L'art, c'est peut-être, entre deux fables qui se croisent, le nom de ce qui décide de ce qu'aura été la marionnette : un Qui ou un Quoi

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Tout récit fabuleux raconte la différence sexuelle / Il n'y a pas de parole qui ne traduise quelque chose comme cette fabuleuse différence sexuelle

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Dans la fable, il est montré que le pouvoir est lui-même un effet de fable, de fiction, de parole fictive et performative, de simulacre

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L'essence dynamique du souverain, son "energeia" et aussi son "enargeia", sont constitués par son récit, sa représentation, sa fiction dans son évidence visible, éclatante

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Entre la bouche et l'oreille, la puissance de dévoration / vocifération du souverain oblige à entendre, écouter, obéir

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Les thématiques de la bête ou de la bêtise appellent des logiques fictionnelles, des réponses fabuleuses, des quasi-concepts

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Dans la fable "Le loup et l'agneau", c'est l'agneau qui, par un acte de langage, fonde le loup comme souverain

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La structure d'invagination d'une oeuvre exhibe la fragilité des artifices conventionnels (corpus, unité, achèvement, genre, auteur) qui assurent son identité

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Dans tout texte ou oeuvre, une double invagination est toujours possible; elle est alors le récit, en déconstruction, de la déconstruction

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En tant que lieu du "droit" à la littérature, un récit met en oeuvre ce qu'il n'a "pas le droit" de raconter : la sur-vie, cet événement impossible

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La sur-vérité de la sur-vie, c'est qu'il faut la raconter dans la langue de l'autre, que j'invente à chaque instant, pour dire sa cause

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Comme la fable, l'information médiatique "fait savoir", elle produit un effet de savoir "à même" l'image ou l'oeuvre, elle accrédite un sens par une rhétorique

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L'événement inventif réunit deux fonctions hétérogènes : le faire et la description, le performatif et le constatif, l'auto-référence et l'hétéro-référence

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