Dans Circonfession, Jacques Derrida écrit : La constance de Dieu dans ma vie s'appelle d'autres noms, si bien que je passe à juste titre pour athée. John Caputo lui demande : pourquoi n'écrivez-vous pas tout simplement "Je suis athée"? - I am not simply the one who says "I", répond Derrida. Il n'est pas celui qui dit "Je", et pas non plus celui qui dit "Je suis", et sur la distinction entre "croyance en Dieu" et "athéisme", on peut avoir certains doutes. Comment croire en Dieu, comment avoir la foi, sans passer par des moments où cette croyance est suspendue? Il faut critiquer l'idolatrie, les images, toutes les réappropriations métaphysiques de Dieu, et aussi les interprétations de Dieu comme étant, existant, être absolu. Lévinas lui aussi est passé par ce lieu où le croyant frôle l'athéisme radical. Tous les grands mystiques savent qu'une croyance en Dieu qui ne serait pas exposée au doute absolu ne serait pas authentique. Il faut expérimenter la mort de Dieu, sa disparition, pour renoncer à croire en un Dieu substantiel, présent. Son athéisme passe par les mêmes expériences, qui pour lui ont pour nom théologie négative, prophétisme philosophique, déconstruction.

Il croit donc à un certain au-delà de l'être qui est aussi l'epekeina tes ousias de Platon, il y croit comme un athée. De même que les croyants expérimentent l'athéisme, il expérimente la croyance, dans sa suspension. Pour qu'il y ait foi, il faut suspendre la thèse de l'existence de Dieu, et pour qu'il y ait athéisme, il faut aussi une suspension de thèse, une a-thèse qui suspend toute position, y compris le savoir sur soi-même. S'il passe à juste titre pour athée, c'est parce qu'il ne peut pas l'affirmer ni le confirmer.

Personnage du Caucase (Alexander Roinashvili).