Telle est l'hypothèse de lecture que Marc Crépon voudrait mettre à l'épreuve dans son article "Genèse et promesse de la parole". Pour faire le procès de l'idéalisme allemand, il choisit de donner à connaître la grammaire de la Création. L'idéalisme veut privilégier les relations logiques en s'élevant au-dessus de la langue. Son monde est créé par la pensée, et non par la parole. Mais comment croire un discours qui oublie de se demander comment il a commencé à être parlant? Au contraire, Franz Rosenzweig revendique une confiance irremplaçable dans le langage, qui le conduit à déconstruire le Tout. Pour parler de Dieu, de l'homme et du monde, il faut revenir à la source qui se détache du néant : le langage. Son postulat personnel, c'est que c'est à partir de la parole (les mots et non pas les pensées) qu'il faut construire.

Au début du livre, la parole n'est pas encore possible. Aucun mot n'est audible. Dans ce pré-monde, Dieu, le monde et l'homme sont séparés. Mais si l'on ne sait rien du monde, que peut-on en dire? On peut affirmer le non-néant (le "Oui"), nier le néant (le "Non"), et conjoindre les deux (le "Et). Tels sont les trois mots-origine qui conditionnent la possibilité de quelque proposition que ce soit, et aussi la possibilité d'un être de parole, d'un Soi singulier - même s'il est encore muet ou enfermé dans un monologue solitaire, comme le héros tragique.

En passant du pré-monde au monde, de l'inaudible à l'audible, on entre dans la communauté de parole. Voici d'autres mots réels, matériels, que les mots-origine promettaient mais ne réalisaient pas. S'ils sont fiables, c'est parce qu'ils ont été promis. Ils peuvent désormais être entendus et partagés, bien que ce ne soit encore que des mots-racines qui ouvrent l'accès à la grammaire, imposent un ordre au langage, mais ne remplissent pas la promesse.

La Révélation donne la parole aux mots muets de la Création, mais cette parole ne sera accomplie que plus tard, dans la Rédemption.

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Propositions

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