Les choses ont l'air de se manifester pour de bon, mais un malin génie se tient derrière elles. C'est comme si le phénomène se dégradait, dans un entre-deux, entre l'illusoire et le sérieux. Le malin génie ne se manifeste pas pour dire son mensonge, mais il y a un doute sur la sincérité de ce qui apparaît. L'apparence n'est pas en soi, elle est indécise, silencieuse, elle procède d'une intention railleuse, comme une enveloppe qui imite et déforme, comme une tromperie, comme un interlocuteur qui donne un signe, mais se dérobe à toute interprétation. Aucune parole ne vient porter secours, remédier à l'équivoque. Dans cet entre-deux qui parle un antilangage, on ne peut rien réfuter. On se trouve face à une énigme.

Le langage, lui aussi, apparaît. Il révèle et cache. Mais la parole peut, dans une franchise totale, surmonter la dissimulation inévitable de toute apparition. Pour rompre l'ensorcellement, elle assiste à sa propre apparition. Dans le visage qui me regarde regarder, je reconnais un don. Je peux parler avec quelqu'un qui m'a associé à lui. L'oeuvre première de la vérité, c'est d'abandonner la solitude de la vision. La proposition rapporte le phénomène à l'extériorité, à l'infini de l'autre. La présence d'autrui rompt la sorcellerie anarchique des faits. En s'adressant à mon attention, l'autre m'enseigne. L'explication ne peut se faire qu'à deux, sans se borner à ce que l'on possédait déjà.