Le schibboleth comme mot de passe, signal d'appartenance à une communauté, et la circoncision, sont en rapport avec le corps. Dans les deux cas le "corps propre" est pensé comme lieu de circoncision. Les Ephraïmites du récit biblique n'arrivent pas à prononcer correctement le mot schibboleth parce qu'une différence corporelle est inscrite dans leur organe vocal impuissant. Ni la voix, ni le mot ne sont circoncis. Un autre, n'importe quel autre peut leur ouvrir la parole. Il ne leur donnera pas un savoir, mais un rien. La circoncision n'est pas passée, déjà faite, elle est à venir. On l'attend comme le prophète Elie, en laissant la chaise vide. C'est ainsi qu'opère la poésie - celle de Paul Celan : "à lui / j'ouvre ma parole / (...) / à celui-ci, / circoncis le mot, /à celui-ci, / inscris le Rien / vivant au coeur, / à celui-ci, / écarte les deux / doigts difformes pour une / parole de salut. / A celui-ci".

Cette promesse peut s'écrire : Circoncis la parole pour lui (p110). Injonction? Tâche éthique?