Freud commente le jeu d'un enfant avec une bobine. L'enfant jette cette bobine, puis la rapporte en scandant le jeu des mots Fort (Loin) et Da (Là). Il vocalise, c'est-à-dire qu'il produit une opposition entre phonèmes, qui tient lieu de chose. La chose change de statut, elle devient un objet de langage. Il s'agit de transcendance : "l'enfant transcende, porte sur un plan symbolique, le phénomène de la présence et de l'absence".

Maîtriser en détruisant est une "négativation" du désir. Dans le Fort/Da, l'absence devient présence (Da) et la présence devient absence (Fort). En faisant disparaître l'objet, on fait apparaître le signifiant, on le pro-voque. En annulant la chose, on ouvre le sujet au discours. Et Lacan (en réponse à une question de Granoff) de situer le masochisme primordial dans la perspective de cette inversion, comme si le sujet lui-même devenait la Chose à détruire.

Il y a deux versants dans cette maîtrise. D'une part, l'enfant entre dans le langage. D'autre part, l'objet avec lequel il joue, la chose, n'est pas appréhendé directement mais par le biais du langage. Il devient Chose. Ce processus décrit par Lacan à propos d'un enfant reste attaché à la voix. Chaque fois que je parle, je borde la Chose, je la détruis. La voix en retient un caractère ambigü. Elle participe du langage, mais aussi d'un temps initial qui échappe partiellement au langage.

La bobine du Fort/Da.