Une décision qui serait "prise" par un sujet souverain, autonome, imposant sa volonté par calcul, savoir ou domination (l'exception schmittienne), ne serait pas un véritable décision. Un tel sujet "classique" ne décide jamais de rien. Si rien ne lui arrive jamais, il n'a aucune responsabilité. Avant la décision, il faut un suspens de la volonté. Jacques Derrida compare ce suspens à un battement de coeur, le battement du peut-être qui ouvre à la possibilité d'un accident, d'un saut. Affranchie du savoir, la décision arrive comme don de l'autre. Pour qu'il y ait responsabilité, il faut qu'elle déchire le moi, qu'elle vienne par surprise. Alors, alors seulement, je suis responsable devant l'autre d'une décision de l'autre en moi. Ce n'est pas de moi que je suis responsable [un moi-sujet qui ne fonctionnerait que par calcul ne serait qu'une sorte de machine], c'est de l'autre. Quand survient, inconsciemment, la décision de l'autre en moi, alors on peut parler de liberté. Le moment décisif est celui où l'on ne suit plus la conséquence de ce qui est, celui où un "acte de l'acte" [pas l'action, mais la mise en mouvement de la possibilité de l'acte] nous en affranchit.