On ne peut témoigner qu'à la première personne. En disant "Je témoigne", je m'engage à dire la vérité, je jure que j'ai été présent, que j'ai perçu l'événement par l'un de mes sens (voir, entendre, toucher). L'événement m'a été présent dans l'espace et dans le temps, donc vous devez me croire [comme si l'évidence sensible valait aussi pour les destinataires]. J'ai été présent à la chose, ici et maintenant. Je l'ai perçue, elle est toujours représentée dans ma mémoire. Certes, je ne suis plus présent à la chose, puisqu'elle est absente, je suis dans la même situation que vous, mais comme je déclare avoir été présent, comme j'ai la mémoire de cette présence, vous devez, vous aussi, me croire.

Comme phénomène sensible, le témoignage engage quelque chose du corps. Il peut être silencieux, non discursif, renvoyer à une expérience pré-linguistique. Ce qui a été "comme tel" et est supposé par le langage (cette marque, cette trace) peut ne pas avoir droit à la parole.