"Le monde est ce que nous voyons". Cette opinion muette est une assise de notre vie.

On peut dire de l'évidence du monde ce que St Augustin disait du temps : il est familier, mais inexplicable. Mais qu'est-ce que nous? Qu'est-ce que voir? Qu'est-ce que le monde? Le philosophe doit redéfinir les notions les mieux fondées, il doit penser l'humanité comme une énigme. Ce sont les choses mêmes, du fond de leur silence, qu'il faut conduire à l'expression.

C'est en regardant avec mes yeux que j'arrive à la chose vraie. J'habite le monde. J'y implique mon corps. Le monde est un problème dont je fais l'expérience par mon corps. Je n'y assiste pas en spectateur, j'entre dans les choses par ma perception, et pourtant les choses sont en-deça de mon corps. L'interposition du corps fait éclater l'illusion d'une coïncidence de ma perception avec les choses mêmes. Dans la vie, les deux conceptions coexistent, mais si je les traduis en énoncés, elles se contredisent.

Ni le fait de s'appuyer sur le vécu d'autrui, ni la science, ne suffisent pour asseoir la vérité. La certitude (de la Chose) reste absolument obscure. Il faut une pensée pure, une pensée de l'imaginaire.

La foi perceptive résiste au doute (p75). C'est parce que je crois au monde et aux choses d'abord, que je crois à l'ordre et à la connexion de mes pensées.