Nous ne pouvons pas nous libérer de cette foi. Même la science ne peut nous apporter aucun savoir sur son contenu. Descartes a songé à en douter, mais ce doute reposait sur la croyance en un Tout un et universel. Si on renonce à cette croyance, alors le doute est lui-même hypothétique - il ne peut pas porter sur la totalité du monde. Seulement dans la pensée, c'est-à-dire dans le logos, le monde peut être partout et toujours. C'est le logos qui est l'essence du monde.

Ce qui est impressionnant dans le monde, c'est qu'il ne se rassasie jamais de concevoir. Il est inépuisable dans l'enfantement. Il n'en finit pas d'accoucher des figures. Toute chose nouvelle est une création renouvelée du néant, quelque chose d'inouï, de "nouveau sous le soleil". Ce n'est pas un donné - car seules sont données les formes logiques qui sont les vases et les récipients dans lesquels se déversent les phénomènes. Le monde est là, dans les trésors de ces vases - mais les contenus ne cessent de jaillir et de se révéler, toujours soudains et uniques.

Nous avons foi dans le monde. Pour Merleau-Ponty, cette foi repose sur la perception, tandis que pour Rosenzweig, c'est une croyance originelle, inconditionnée.