En musique, un interprète ne peut jouer qu'en écoutant. En lisant la partition, il l'entend, il l'éprouve. Ce renvoi, ce retour sur soi, cette auto-affection qui caractérise le sonore, sont aussi des éléments constitutifs du sujet. Pas de sujet qui ne soit sujet sentant. Pas de sentir (...) qui ne forme en lui-même le retour ou la boucle par laquelle un sujet a lieu écrit Jean-Luc Nancy. Ce privilège du sujet qui s'entend, du sujet-écoute, du sujet musical, constitue le comble de la subjectivité ou de la subjectité : "le sujet d'un sujet en général".

La sonorité résonne, elle est en elle-même résonance. Alors qu'un reflet visuel demande une surface réfléchissante, le son est à lui-même son timbre, ses harmoniques et sa chambre d'écho. Le grec ancien êkhéô d'où vient l'"écho" signifie aussi bien "faire du bruit" que "résonner" : il signifie exactement "rendre un son" écrit encore Jean-Luc Nancy. Mais ce qui s'écoute n'est pas seulement la présence à soi telle que Derrida l'a analysée pour la voix. Ce n'est pas seulement ce qui retentit en soi et qui rebondit sur soi : c'est ce qui fait déborder son rebond. La musique met hors de soi : c'est un excès, un emportement.