Dans Tourner les mots (p74), Jacques Derrida explique que, dans le film de Safaa Fathy dont il est le principal "acteur" (D'ailleurs, Derrida) - et aussi le thème, le sujet et l'objet principal - il s'est senti étranger. Ce que la réalisatrice montrait ou composait de lui, ce n'était pas lui mais un personnage, le personnage du film, y compris quand le film laissait [à lui ou à d'autres] une impression de vérité. Il fait une demande et il insiste pour qu'on la prenne en compte : qu'on n'oublie jamais qu'il n'a eu aucune part à cette composition savante, celle de l'écriture du film. Eh bien, il faut le constater, il n'a pas non plus la moindre part à l'Orloeuvre - et pas seulement parce que l'Orloeuvre a été entièrement rédigée après son décès. Si, devant son propre rôle en tant qu'acteur, il ressentait un effet d'étrangeté, s'il pouvait dire que sa propre improvisation devant la caméra était dépourvue de toute fidélité, de toute légitimité, étrangère à toute vérité représentative, s'il pouvait soutenir que ce personnage-acteur n'était pas lui, ne le réfléchissait pas, ne le reflétait pas, le trahissait, alors que dire de l'Orloeuvre? Elle ne trahit pas, si elle ne prétend ni représenter, ni réfléchir, ni refléter, et si sa fidélité à l'oeuvre de l'autre n'enferme pas cet autre dans une répétition. Il ne peut pas y avoir de garant à cette fidélité, car c'est une fidélité à ce qui arrive.