Derrida ajoute un paragraphe entre parenthèses au coeur de son texte. [Ce qui est écrit entre parenthèses n'est pas moins important que le reste, au contraire! une parenthèse est un liminaire du texte, comme une note ou une préface]. Il précise : "Ce que je dis entre parenthèses, c'est cela : qu'il n'est ici question que de cela, partout et par-delà les frontières de cette parenthèse". Question de quoi? De l'état présent de l'Etat d'Israël dans son effroyable ambiguité politique. La particularité du Juif, sa duplicité qui le fait à la fois témoin de l'universel et singularité absolue, cette tension se retrouve dans l'Etat d'Israël et produit des effets politiques effroyables.

Quel rapport avec le schibboleth? Pourquoi faudrait-il surnommer cet Etat, dans son état présent, schibboleth? Schibboleth est une sorte de mot de passe, une formule magique dont Freud, par exemple, se servait pour parler des rêves ou du complexe d'Oedipe, ce qu'il se donnait pour tâche d'expliquer mais qui se dérobait en partie à ses tentatives.

L'Etat d'Israël pourrait rentrer dans cette série. Il pratique la violence comme tout Etat national, mais reste une énigme qui résiste à la compréhension. Avec lui, dans la langue d'origine, l'hébreu, revient un spectre. Il commémore une provenance mais, ici et maintenant, se démarque de cette provenance.