Un texte ne se laisse pas mouvoir. Il est fait d'intervalles entre ses éléments : lettres, mots, phrases. Il est lu selon sa signification, mais aussi vu selon sa configuration, l'espace sensible-imaginaire où il est inscrit. La fiction fait de la figure avec du texte, elle n'est pas réductible aux contraintes de structure.

Avec "Un coup de dé jamais n'abolira le hasard", Mallarmé dérobe le langage à sa fonction de communication. Il révèle en lui un pouvoir qui l'excède, le pouvoir d'être vu et pas seulement lu-entendu, le pouvoir de figurer et pas seulement de signifier (p62).

Mallarmé s'arroge le pouvoir de tout recréer. Cette re-création donne à voir son objet. Le visible est présent jusque dans l'espace vacant du retrait, dans les blancs. Il impose la sensation du vide, il en fait jouir.

La trace de l'idée n'est pas arbitraire. Elle est liée au "sens", avec toute l'équivoque de ce mot. Mallarmé veut écrire l'oeuvre, le Livre. C'est un écrit qui n'abolit ni le lieu ni la typographie, ni la forme; au contraire il les fait voir. La transgression des écartements habituels entre les éléments du texte, la disposition des mots rendent expressif un espace normalement voué à se faire oublier (le figural), le "spacieux". La vue à affaire à des silences qui prennent corps (selon Valéry). La poésie exhibe le sensible, l'imaginaire. Les choses du désir sollicitent l'oeil. Le langage se déconstruit.