On trouve souvent écrit, à la fin des versets de la torah, l'expression "Ani Yhvh", que les traducteurs rendent par "Je suis Dieu", ou "Je suis le Seigneur", ou "Je suis l'Eternel". Mais si l'on considère les pratiques de lecture, alors le mot "Yhvh", imprononçable, doit être remplacé par un autre mot "Adonaï". Le lecteur dit : "Je suis Adonaï". Il énonce les versets et les reprend à son compte, y compris cette conclusion bizarre en forme de signature. Henri Atlan suppose que le lecteur s'identifie au "je" du texte. En parlant à la première personne, comme sujet grammatical, il s'ouvre à l'être et à son nom, Yhvh. Mais lui-même, en tant que "je", n'est pas cet être infini : il n'est qu'une personne singulière, limitée. Que dit-il alors quand, au lieu de lire "Je Yhvh", il dit "Je Adonaï"? Il remplace le nom d'être (chem havayah) par un nom de souveraineté (chem adnout). En effet Adonaï est le Seigneur, le souverain ou plutôt "les souverains", car c'est un mot au pluriel. Que suis-je? dit-il. Un "Ani", un "je". Atlan propose que ce "je" ne soit pas conjugué à la première personne, mais à la troisième. Ce ne serait pas le "je" de l'énonciation, mais un "je" où se récapitulerait tout ce qui est souverain sur lui.