Derrida
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Derrida, la Shoah                     Derrida, la Shoah
Sources (*) : Derrida, la déconstruction               Derrida, la déconstruction
Jacques Derrida - "Une éthique de la mémoire, entretien entre Jacques Derrida et Michal Ben-Naftali", Ed : Mimesis International, 2018, p286

 

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Derrida, le pardon

Lorsque Derrida parle de pardon, d'hospitalité, de date, de signature, de déconstruction, de survivance, il y a toujours une référence à cet événement pour lui ineffaçable, la Shoah

Derrida, le pardon
   
   
   
               
                       

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Jacques Derrida le dit et le redit plusieurs fois avec insistance dans l'entretien qu'il a accordé à Michal Ben-Naftali, en janvier 1998, dans les locaux de Yad-Vashem, à Jérusalem (v. les citations ci-contre à droite). La question de la Shoah n'a jamais cessé de l'interroger. On peut lire tout son travail, toute son élaboration depuis le départ, à partir de cette question. La liste des thématiques qui renvoient selon lui, directement ou indirectement, à la Shoah, est impressionnante : le pardon, l'hospitalité, la date, la signature, l'archive, la spectralité, la survivance, Heidegger et l'esprit, Nietzsche, Paul Celan, et enfin la "déconstruction" elle-même, si l'on peut nommer ainsi ce qui l'a engagé et qu'il a engagé dans la philosophie. Certes l'antisémitisme n'a pas frappé de manière aussi terrible en Algérie que dans d'autres régions, mais à cause de sa propre expérience, il n'a jamais cessé de tenter de penser la Shoah, de la problématiser par la lecture des archives, des textes, des témoignages. S'il a voulu déconstruire la tradition occidentale, c'est aussi en raison d'Auschwitz, après Auschwitz, même si ce n'est pas seulement pour cela. Il ne voudrait pas qu'on réduise son œuvre à cette seule problématique, ce ne serait "ni vrai ni rigoureux" dit-il, mais cette question reste pour lui essentielle, ineffaçable. S'il s'est tant intéressé à la métaphysique européenne, s'il a tant voulu la déconstruire, c'est parce que cette pensée occidentale, européenne, cette rationalité à laquelle il est lui aussi attaché, c'est elle qui a produit la Shoah.

Cela ouvre certaines questions difficiles à résoudre, sur lesquelles il a du mal à prendre position. La Shoah est un événement et comme telle, elle est unique. Mais il y a eu d'autres événements du même type, d'autres massacres, d'autres crimes contre l'humanité. Il reconnaît cette unicité mais ne veut pas la sacraliser, en faire un critère d'élection. Il n'hésite pas à utiliser des noms communs pour la nommer, par exemple holocauste - même si ce mot ambigu peut aussi nommer autre chose, par exemple le fait de brûler des livres ou des lettres d'amour (p304).

Un autre sujet difficile est le rapport de la Shoah à l'éthique. Comme le cardinal Lustiger ou Emmanuel Lévinas, il reconnaît qu'elle peut être interprétée comme une mise à mort de l'éthique. Le peuple qui en est victime est associé au don des commandements, au Sinaï. Mais les catégories qui lui rappellent, à lui, la Shoah, comme survivance, hantise, otage, peuvent se référer à d'autres situations, être utilisés indépendamment d'elle. Il y a d'autres blessures, d'autres traumatisme, d'autres crimes. Qu'il soit lui-même travaillé par la Shoah n'interdit pas de penser, aussi, à partir d'autres contextes.

 

 

Citations (toutes prélevées dans l'entretien de janvier 1998 avec Michal Ben-Naftali) :

"Les questions que nous nous préparons à soulever et à aborder ici, aujourd'hui même, nous habitent depuis toujours. Elles auront marqué nos mémoires et n'auront cessé de travailler nos consciences. Et ce même lorsque nous n'y pensons pas explicitement. La Shoah ou l'Holocauste a marqué toute notre expérience. C'est pourquoi il est si difficile à la fois de l'isoler en tant que thème puis, dans le cadre d'un tel dialogue, de rassembler toutes les réflexions qui se sont accumulées depuis. Je suis, en effet, mal à l'aise d'isoler le thème de l'Holocauste dans une conversation improvisée à Jérusalem alors que, d'une certaine manière, la mémoire consciente ou inconsciente de cet événement est omniprésente dans notre culture, dans ma propre vie ainsi que dans celle des personnes de ma génération. (...). Je ne pense pas qu'il serait sérieux d'expliquer tout le travail en lequel je me suis engagé sous le nom de "déconstruction" par le "après Auschwitz". Cela ne serait ni vrai ni rigoureux. Cependant, dans une certaine mesure, ce travail, que j'ai entrepris ou qui s'est imposé à moi, n'aurait pas eu la même forme ou la même urgence si la rationalité occidentale, la métaphysique européenne, la philosophie, n'avaient pas été radicalement mises en question, soumises à la question, d'abord par les totalitarismes du XXème siècle, puis, et de façon singulière, par l'Holocauste" (p284).

"J'essaie bien plutôt de penser ce que pourrait vouloir dire le pardon dans cette situation, et ainsi ce que pourrait signifier la relation entre pardon et prescription. Et je dois dire que dans le rapport que je tente d'avoir avec tous ces événements, je n'ai pas de position tranchée. Il s'agit vraiment, pour moi, d'une source inépuisable de re-problématisation de toutes ces questions. En effet, lorsque je parle de pardon, d'hospitalité, c'est toujours en référence à cet événement, dont l'unicité demeure problématique. Je sais qu'il est unique, bien sûr. Mais de là à savoir si l'on peut faire de cette unicité un exemple et un point de référence exemplaire, cela demeure, pour moi, extrêmement problématique, notamment par rapport aux autres génocides (p286).

"Pour revenir au lieu qui nous concerne ici, chaque fois que j'ai voulu ramener la question de la signature et de la date au-devant de la scène, je l'ai fait, soit par rapport à des auteurs qui entretiennent un rapport très marqué avec ce dont nous parlons, c'est-à-dire, Nietzsche par exemple, et toute cette tradition qui va de Nietzsche au nazisme (...), ou alors par rapport à Celan, dans Schibboleth (...). Il n'y a rien de fortuit ou d'accidentel, pour moi, dans le rapport entre la date, la signature et l'événement dont nous parlons ici même. Et lorsqu'il m'est arrivé, modestement et à ma manière, d'inscrire dans mon travail philosophique des références autobiographiques (...), eh bien, naturellement, cela provenait, émanait de la question juive, de la question de la circoncision, et de mon rapport au judaïsme et à ce qui arrive ou arrive au judaïsme en ce siècle. Ces questions, celles de la signature et de la date, sont, pour moi, inséparables, soit directement soit indirectement, de ce dont nous parlons, c'est dire, de l'Holocauste" (pp291-292).

"Mon petit livre sur Heidegger [De l'esprit, Heidegger et la question, 1987], et au fond tous les textes que j'ai consacrés à Heidegger, tournent autour, non seulement de son travail qui demeure, pour moi, très puissant ainsi que provocateur, mais aussi de la pensée européenne dans son ensemble, et en laquelle Heidegger occupe une place si visible et impossible à contourner" (pp296-297).

"L'élément dans lequel œuvre et se déploie toute la déconstruction s'inscrit dans la survivance. Evidemment, l'on ne doit pas nécessairement penser aux survivants d'Auschwitz afin de penser à leur survivance. En principe, logiquement, ce discours sur la survivance ne requiert pas la référence à la Shoah. Mais l'on devrait être aveugle et sourd pour ne pas voir et entendre qu'à chaque fois que nous parlons de survivants, aujourd'hui, nous pensons à eux. Et naturellement, je n'y pense pas moins que quiconque" (p302).

 


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