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Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, le Qui et le Quoi                     Derrida, le Qui et le Quoi
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 6 mars 2014 Orlolivre : comment ne pas transmettre?

[Derrida, le Qui et le Quoi]

Orlolivre : comment ne pas transmettre?
   
   
   
                 
                       

1. Le Qui/Quoi, indissociable?

Il y aurait, dans le texte ou l'écriture, avant toute autonomie possible du sujet, avant tout "je", tout individu, toute communauté, avant toute distinction homme / animal et aussi vivant / non-vivant, et donc avant l'humain, une instance qui acquiesce, interroge, engage dans l'altérité. C'est le lieu de l'adresse à l'autre, de la prière implicite : Je t'en prie, écoute-moi, entends-moi, prends moi en considération. Cette instance entendue comme un "Qui" n'aurait été produite par aucun moi, aucune volonté, aucune subjectivité assignable, mais sans elle, aucun "je" n'aurait été possible.

Il faudrait partir de cette instance pour poser la question "Qui est l'homme?", mais cette question pourrait toujours se transformer en "Quoi est l'homme?" ou "Qu'est-ce que l'homme?". Dès le départ, le rapport entre Qui et Quoi serait posé en termes de tension, croisement, contamination. La distinction serait nécessaire, mais impossible. Certains mots de la langue y feraient allusion (Trieb, Walten), mais cela resterait innommable.

 

2. La philosophie, machine de dissociation.

La difficulté de la philosophie, c'est qu'elle hérite d'une tradition où le Qui et le Quoi ne se confondent pas, ne peuvent pas se confondre. Il faut que, sous un nom ou un autre, ils diffèrent : conscient / inconscient, Moi-je / Fond indéterminé, vivant / mort, quelqu'un / quelque chose, sujet / machine, etc. Elle doit en même temps soutenir ces oppositions, les renouveler et laisser une part d'indétermination. On peut interpréter ce flottement comme impuissance du langage ou bêtise, mais la pire bêtise, le comble de la bêtise serait d'en rester soit à l'absolu du Qui (le Moi-je comme autoposition ou propre de l'homme), soit à l'absolu du Quoi (l'espoir de maîtriser l'étrangeté par une surenchère de souveraineté réactionnelle, d'automatismes). En ce lieu, ni le Quoi ne pourrait être dit plus bête que le Qui, ni l'inverse. L'un serait toujours plus ou moins bête que l'autre. Entre eux (comme entre la bête et le souverain), ce serait une différance qui opérerait - à la façon du Monsieur Teste de Paul Valéry.

 

3. Acquiescement.

Qui et Quoi sont indissociables, et pourtant le Qui ne se confond pas avec le Quoi. Lorsque, avant tout lien social, avant même qu'il ne puisse répondre par le langage, le vivant acquiesce à l'autre, lorsqu'il lui fait crédit, s'adresse à lui, lui dit "Viens", c'est bien à la deuxième personne du singulier qu'il l'apostrophe. Qui es-tu?. Même si l'autre ne répond pas, même si la question peut aussi s'écrire : Qui est tu? (marquant le mutisme de l'autre), l'exigence d'un engagement devant l'autre, d'un serment, vient d'un Qui.

Il n'est d'engagement, de serment ou de secret qu'exigé par un Qui. Qu'il se présente avec douceur, jouant de la force ou de la persuasion, qu'il prenne l'apparence d'un Quoi ou d'un Ça, l'impératif est toujours commandé par un Qui souverain. La prière, comme la demande de pardon, suppose un Qui s'adressant un à autre Qui (un "je" qui s'adresse soit à un autre "je", soit à un Dieu). Mais dès lors que ce destinataire ne dit rien, ne répond pas, ou s'il répond, ne répond que par un "Pardon de ne pas vouloir dire...", alors le Qui se rétracte en un Quoi indicible. C'est le Dieu absent, ou la persistance de la faute au-delà du pardon. Si la prière est singulière et intraduisible, elle ne peut pas suspendre la croyance en un Qui; mais pour se confronter à l'incalculable, il lui faut aussi un code, un rituel. Il y a toujours de l'automatisme, du Quoi dans le Qui.

Une décision qui serait déterminée par des causes programmables et calculables ne serait pas une décision - ce ne serait qu'un effet. Pour consentir à une décision, il faut en passer par l'épreuve de l'indécidable. C'est alors que se détermine l'instance éthique ou juridico-politique (un Qui) devant laquelle un "je" peut se dire responsable.

 

4. Penser ensemble le Qui et le Quoi.

Pour qu'il y ait, entre ces deux mots (Qui et Quoi), production d'écart, d'espacement, voire d'oeuvre, de poésie ou d'art, il faut que l'opposition ne se fige pas. A supposer qu'il y ait un lieu pour cette production, ce ne pourrait être que dans la modalité de Khôra.

Pour penser ensemble le Qui et le Quoi, il faut partir de ce qu'il est convenu d'appeler l'acte de langage, le speech act, le performatif. Tout acte de ce genre implique à la fois un vivant parlant à la première personne (la vie organique) et une répétition mécanique, machinale (inorganique), un Qui et un Quoi. Dire, c'est faire (un Qui), mais c'est aussi répéter une formule préétablie (un Quoi). La survie d'une oeuvre, qui est à la fois l'héritage d'un événement et sa réitération sans aucune présence du signataire, est un ajointement de ce type.

Avec l'ordinateur, de l'autre côté de l'écran, le Quoi se présente comme un interlocuteur qui se serait retiré, invisible et sans visage. Ce Qui virtuel tient-il en réserve une sentence de mort?

 

 

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Propositions

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Il y a, dans le texte ou l'écriture, une instance qui engage, acquiesce, interroge, un "Qui" d'avant toute autonomie possible du sujet : ni subjectif, ni humain

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On ne peut prier sans s'adresser à quelqu'un (un "Qui"), et on ne peut pas s'adresser à quelqu'un sans quelque prière implicite

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"Viens" se dit au présent; le citer met à l'oeuvre un autre "Viens", un Qui dont le " faire" est irréductible aux verbes usuels : opérer, fonctionner, jouer, ordonner, appeler

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Avec Heidegger, la question sur l'homme se transforme, elle n'est plus "Quoi est l'homme?", mais "Qui est l'homme?" - un "Qui" avant tout "Je", individu ou communauté

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Le secret tient toujours à la violence ou au pouvoir de quelqu'un : il suppose un serment, un engagement devant l'autre qui, en tant que tel, l'exige souverainement

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L'art, c'est peut-être, entre deux fables qui se croisent, le nom de ce qui décide de ce qu'aura été la marionnette : un Qui ou un Quoi

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Du côté du souverain comme de la bête, du Qui et du Quoi, il y a de la bêtise, l'un étant toujours à la fois moins bête et plus bête que l'autre

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Chez Valéry, dans une surenchère de souveraineté, tout se crispe pour maîtriser l'étrangeté, pour la transformer en Quoi

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La performativité implique à la fois la présence d'un vivant parlant à la première personne, et une technicité machinale, inorganique

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L'oeuvre hérite d'un événement, mais ne peut survivre qu'à se couper de son signataire

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Dès que je parle, je dis "oui"; la responsabilité, c'est de décider à qui et à quoi, dans l'épreuve de l'indécidable, de l'hétérogène, de l'incalculable, je dis "oui"

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A la question "Qu'est-ce qu'un génie?", on doit répondre à la deuxième personne : "Génie, qui es-tu?", dans le secret du silence : "Qui est tu?"

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Pour penser ensemble l'événement et la machine, il faudrait une forme conceptuelle inouïe, une autre pensée qui change jusqu'au nom et à l'essence de la pensée

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Ce qui est nommé par "Trieb" (pulsion) est, comme le Walten, innommable au sens strict : avant tout étant, tout qui et tout quoi, ça ne peut pas donner lieu à un nom

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De l'autre côté de l'écran d'ordinateur, une sentence de mort est tenue en réserve, proférée par un interlocuteur retiré, invisible et sans visage

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Dans une prière se mêlent un rituel codifié, énoncé dans le langage commun, et une adresse absolument singulière, secrète, idiomatique et intraduisible, à un "Qui" indéterminé

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La prière suppose une suspension (epokhè) de la certitude, du savoir, de l'économie, du calcul - au nom de la croyance

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Qui prie ou demande pardon s'adresse à un Qui - un autre, un Dieu -, mais celui-ci s'efface et se rétracte en un Quoi indicible, imprononçable, comme le nom de Dieu

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Le pardon est impossible. On ne peut le demander ni à soi, ni à l'autre (Qui); jamais on ne peut annuler le méfait (Quoi), mais seulement le remplacer

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