Différance, ce n'est pas un nouveau mot (affirme Derrida), Ce n'est pas non plus un concept. Mais alors c'est quoi? C'est une différence, un écart graphique inventé à partir d'une question sur l'écriture. Et quoi encore? Une pensée, un enjeu, une stratégie, une aventure, une question sur le commencement, une prise de position par rapport à la responsabilité philosophique... Sans doute tout cela en même temps, et aussi, en plus - malgré les dénégations - un mot et un concept (sinon, la différance ne pourrait pas faire l'objet d'un commentaire). Mais le point de départ, comme Derrida y insiste, est l'ancrage dans une époque, celle où nous sommes, bien que nous ne prétendions pas savoir qui et où nous sommes. Cet ancrage relativise toute prétention à l'universalisme de la différance : le terme ne vaut pas pour tous les temps, il vaut pour les problématiques et les enjeux de notre temps. La différance n'est que le déploiement historial et époqual de l'être. Mais ce n'est qu'une certaine face d'elle-même. Il y a aussi une pensée inouïe, un tracement silencieux, un être qui n'a jamais eu de sens, un temps plus vieux, plus ancien, temps du jeu de la trace sans fond ni être.

Cela laisse ouverte la question : mais qu'est-ce que c'est, le plus irréductible de notre époque? Une voie d'accès est la technique et la place qu'occupent les machines, en tant qu'elles extériorisent la trace et élargissent la différance.