La position derridienne à l’égard du politique est singulière. Il lui est arrivé de prendre position directement dans le champ politique, par exemple dans les années 1970, autour de la place de la philosophie dans l’enseignement, ou dans les années 1980, dans le combat contre l’apartheid. Mais ses prises de position directes sont rares. Pendant la guerre d'Algérie, qui le concernait directement, il a gardé une position ambiguë, et lors d'événements majeurs de la politique française, comme l'arrivée au pouvoir de de Gaulle, les événements de mai 1968 ou la victoire de François Mitterrand aux élections de 1981, on l'a peu entendu. Connaissant l'énorme travail de recherche effectué sur des concepts comme démocratie, souveraineté, loi, droit, théologie politique, ami/ennemi, etc, on peut dire que cette abstention apparente n'a rien d'apolitique. Au contraire, en marquant une méfiance ou une défiance à l'égard des jeux politiques de l'Etat-nation, elle radicalise le politique. C'est justement parce que la politique courante n'est pas un thème de son œuvre, que celle-ci est absolument politique, ou encore, selon une autre formule, que le politique chez lui s'inscrit dans l'œuvre même. Etant donné que ce qui est politique chez lui, c'est son œuvre, son engagement politique passe par un concept d'œuvre lui-même politique. C'est cette modalité d'inscription, à la fois conceptuelle et performative, que je voudrais interroger ici. Elle passe par l'articulation entre plusieurs expressions, plus de quatre, qui n'auraient eu aucun sens avant lui car elles sont le résultat de son travail : la démocratie à venir, l'au-delà du performatif, l'au-delà du souverain, l'au-delà du politique, la vie plus que la vie et, ultimement, l'au-delà de l'au-delà. Tout se passe comme si la politique courante n'était pour lui qu'une scène représentative, un théâtre fictif de la vie politique, auquel il aurait le devoir d'ajouter plus d'une autre face, encore invisibles, apparemment étrangères ou hétérogènes au champ politique, mais seules capables de déranger cette scène. Ces figures nouvelles du politique, inouïes, viendraient en plus, en trop, en excès, à la façon dont, dans son texte de 1972 sur La dissémination, il affirmait détruire l'horizon ternaire qui gouverne la métaphysique. C'est ce supplément, cette étrangeté, qu'il nomme ultra-politique (Voyous p63). En quoi et pour quoi faut-il que l'au-delà du politique, au-delà du performatif, soit aussi l'au-delà de l'au-delà?

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Propositions

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