On peut donner un titre à quelque chose ou à quelqu'un. La chose peut être une oeuvre (par exemple une oeuvre d'art), un discours (par exemple un discours politique) ou une institution. Un acte de langage qui est aussi un acte de nomination, la soustrait, comme la personne, à l'ordre naturel. Conférer un titre, c'est identifier, c'est nommer, c'est faire valoir une existence, une légitimité. Une fois titrée, la personne peut dire ou faire quelque chose avec des mots. Mais qu'est-ce qui confère à une personne ou une institution le droit de donner un titre, qu'est-ce qui garantit la validité ou la légitimité de ce don? Rien d'autre qu'une autre institution qui détient déjà le titre, et ainsi à l'infini. Jacques Derrida en conclut : "L'origine du pouvoir intitulant ou attitrant ne peut jamais se phénoménaliser comme telle". L'institution ne peut fonctionner que sur la base d'une topique paradoxale, une circularité, qui présuppose un don préalable, inaccessible, le don d'un titre gardé et mis en mémoire.

Saga islandaise : le roi Haraldr... reçoit le royaume des mains de son père le roi.

Mais il arrive aussi que l'institution oublie ses élus, ou qu'elle en exclue d'autres. La marque de l'exclusion s'inscrit alors en elle et aussi, en creux, dans l'exclu - ce subjectile qui porte la mémoire de cette violence fondatrice, comparable à celles des Etats ou des nations.