Alors que le cinéma joue sur l'écart entre cadre et non-cadre, champ et hors-champ, visible et invisible, montré et caché, les actualités télévisées focalisent l'attention sur un petit écran qui est supposé montrer la totalité du monde en modèle réduit. Quand la partie visible passe pour le tout, il n'y a plus rien d'autre à voir que ce qui est montré. Tout ce qui est montré est accessible dans une mise en scène où le présentateur-star, soigneusement maquillé, est présenté en pleine lumière. Ce demi-dieu intouchable, au corps dérobé, privé d'existence réelle, parle depuis ce non-lieu qu'est l'écran transparent. Alors que le cinéma met en scène des hommes comme les autres, figures possibles et désirables, avec leurs ombres, leurs opacités et leurs complexités, le journal télévisé montre un journaliste sachant, qui impose une vérité et ne doute jamais. Alors que le cinéma documentaire reconnaît la subjectivité du journaliste, le journal télévisé doit à tout prix maintenir le leurre d'une objectivité bien-pensante. Le faux y est objet de scandale, l'incomplet ou le manque y sont des fautes, les choix et les tris y sont inavoués.

L'information procède le plus souvent par addition et juxtaposition de données anonymes provenant des agences, qui tiennent lieu de faits ou d'événements, et sont assemblées en fonction des rubriques du média. Au contraire le cinéma procède en ne disant pas tout tout de suite. Il dissimule des informations, joue du désir de savoir. Partant d'une ignorance, il procède à un montage, il compose et organise les éléments en fonction des différents éléments du film.