Jean-Louis Comolli donne l'exemple d'un docu-fiction en six épisodes sur "Auschwitz, les nazis et la solution finale" produit en 2005 par Laurence Rees pour la BBC. Ce documentaire intègre une reconstitution en 3D, par images de synthèses, des baraquements et des chambres à gaz. Avec ce genre d'image, le passé est réécrit. On supprime le témoignage des traces, pour le remplacer par une simulation, un calcul. Alors que le cinéma ramène les traces du passé au présent (de la projection, de l'écran), mais sans effacer ces traces, le docu-fiction ment sur l'état du monde. Auschwitz n'est plus un champ de ruines, mais une réalité restituée, c'est-à-dire fabriquée par un logiciel.

Au cinéma, la chose morte revient, comme un spectre, dans le monde des vivants, tandis que dans un docu-fiction, on élimine la parole ou le récit des témoins pour les remplacer par des images qui saturent l'imagination du spectateur. Ainsi la mise à mort se voit-elle offrir une visibilité; au lieu du hors-champ, le spectateur se déplace comme dans un jeu vidéo.

En voulant tout représenter, la fiction élimine l'impossible auquel l'historien ou le documentariste (non fictionnel) se heurte : impossibilité de remonter le temps, de filmer les personnes et les lieux disparus.

Jean-Louis Comolli recommande une éthique où l'on ne dessine que les contours du Secret.