Dans le meurtre, le meurtrier cherche l'anéantissement de l'autre, mais il se heurte à une impossibilité : il est impossible d'anéantir le visage d'autrui. Certes je peux le tuer, mais après-coup, du fond des yeux, son regard exprimera l'impossibilité morale.

La mort est imprévisible. Elle ne se tient dans aucun horizon. Elle m'expose à la violence absolue, vient et frappe sans que je l'accueille, me prend sans me laisser la chance de lutter. Des puissances hostiles, malveillantes, absolument autres, déterminent l'heure insolite de sa venue : mon destin.

Mais dans son absurdité, la mort conserve une signification. Elle me menace depuis un au-delà qui reste un ordre interpersonnel. Elle vient d'une volonté étrangère, d'un Autre tyrannique qui veut m'atteindre avec malveillance. Elle approche dans la peur de quelqu'un - ce qui rend encore possible un appel à autrui (le médecin, l'Eternel). Mais je ne peux pas me tenir en face du néant. Il est contre moi, comme un meurtrier.

Elle s'approche de moi comme un mystère. Que se passera-t-il après la mort? C'est un secret. Après, le chemin se fera sans moi. Néant ou recommencement, je ne peux pas saisir l'instant suprême. Il surpasse ma portée. Je ne peux pas l'anticiper, et je ne pourrai pas m'en souvenir. Le passage se fait sans moi, sans projet d'avenir. La distance est infinitésimale, mais infranchissable. Toute possibilité est impossible.