L'esthétique exige une distance, une neutralisation de la réalité. Il n'y a pas de relation directe entre le regard du spectateur et l'état de la société. C'est la contemplation extatique de la beauté, telle qu'elle est décrite par Winckelmann dans son Histoire de l'art dans l'antiquité à propos du torse du Belvédère. Ce torse d'un homme assis sur une peau de bête a exercé une fascination sur les artistes dès le début du 16ème siècle. Bien que ce ne soit qu'un corps sans membres ni figure, sans bouche pour délivrer un message, sans visage pour exprimer un sentiment, il a inspiré Michel-Ange et ses élèves. Winckelmann en a fait le représentant exemplaire de la beauté grecque (Hercule se reposant après ses travaux). Ce torse n'imite aucune action, mais cela ne l'empêche pas d'exprimer pour le critique du 18ème siècle la liberté perdue du peuple grec. Ce qu'il représentait et la façon dont il était reçu par le public grec nous est inconnue, ce qui ne l'empêche pas d'avoir pour nous un attrait esthétique.

Pour qui'il y ait esthétique (au sens du régime esthétique de l'art), il faut une soustraction, une suspension de la vie collective.