Certes, la photo est une empreinte, un signe indiciel. Mais la technique est docile. C'est l'homme qui fabrique les images pour s'approprier le monde, et la photographie ne fait pas exception. Elle a ses finalités (par exemple tantôt la beauté, tantôt la vérité). Sa signification dépend de ceux qui la produisent et de ceux qui la regardent.

La photographie géométrise, égalise, classe. Ce qu'elle capture est enfermé dans un temps du passé : l'instant de la prise de vue, le motif photographié ce jour-là. Le monde se soustrait rapidement à cette ressemblance. Il se transforme en archive d'images. Nous courons après ce fantôme, qui n'est qu'un souvenir sans voix que nous animons à partir de nos propres souvenirs. Chaque spectateur voit le monde à travers d'autres yeux qui pourraient être les siens, avec un regard différent qui porte un autre savoir. La photographie nous restitue le regard que nous portons sur le monde.

La photographie est une vitrine et un lieu d'échange des images. Ce n'est plus tant un document que le souvenir d'un sens secret et déjà presque disparu. En regardant une photographie, nous procédons à un acte théatral, une performance. Nous mettons en jeu d'autres médiums, d'autres images qui précèdent la photographie, nous combinons et faisons interagir différents modes de perception (par exemple ceux qui sont attachés à la peinture et au cinéma).

Comme les visiteurs de musée, nous regardons des gens qui regardent des tableaux. Nous adoptons leur position de spectateurs.