Alors que la presse écrite est condamnée au différé, l'audiovisuel ou l'Internet écrasent l'ancienne chaîne de traitement de l'information sur le présent vivant du spectateur. Le fait, le document et la représentation narrative, qui formaient des étapes distinctes, sont simultanés. L'urgence transforme le journaliste en simple relai et fragilise la coupure sémiotique. L'événement tend à s'imprimer directement dans les écrans et dans les têtes, sans médiation ni délai. Avec le retard disparaissent l'investigation, le tri des données et le recoupement - et peut-être aussi la conscience historique.

Les médias jouent sur l'émotion, qui permet d'élargir l'audience. Il faut faire vibrer. L'homme des technologies numériques est excité, simulé.

L'information pulvérise. Elle morcelle irréversiblement le ou les monde(s), placé(s) au-delà de toute synthèse possible. Elle accélère la décomposition d'un monde commun et de la Représentation en proposant des archipels inédits de mémoires, de savoirs et de collectifs.

Il faut du temps pour que les événements médiatiques deviennent réfutables, pour qu'ils soient scénarisés.

L'idée d'un "merveilleux des sociétés démocratiques" vient de Pierre Nora.