La tolérance a été pensée en Occident sur le modèle de la charité. C'est le plus fort, le souverain, qui, depuis sa hauteur, déclare à l'autre : "Je te laisse vivre, mais n'oublie pas que je suis chez moi". Il accepte, avec condescendance, de supporter l'autre. A l'époque de Voltaire, c'était le catholique qui tolérait le protestant; à d'autres époques, le croyant tolère l'infidèle, mais le langage est toujours le même - même si des juifs, des musulmans ou des athées se l'approprient aussi. S'il s'agit d'une hospitalité, elle est conditionnée, à l'inverse de l'hospitalité véritable, qui est inconditionnelle.

Quand elles pensent être seules à pouvoir donner au monde des leçons de tolérance, les Lumières sont chrétiennes (Foi et savoir p36). Voltaire, comme Kant [et même Heidegger], pense que le christianisme est la seule religion "morale". Il se pose comme chrétien s'adressant aux autres chrétiens; sous sa plume, la tolérance est d'abord intrachrétienne, elle vaut pour les coreligionnaires.

Il faut passer à une autre tolérance, pas seulement chrétienne, qui respect la distance de l'altérité infinie.