On peut rester fidèle au modèle de tolérance hérité des Lumières tout en l'interrogeant. Suffit-il pour lutter contre les violences qui se déchaînent aujourd'hui? Depuis que la mondialisation et les technosciences ont transformé l'espace public, on ne peut pas en rester à un concept de "Raison" traditionnel. L'Etat-Nation, la citoyenneté, la souveraineté, le droit national se transforment. Les médias qui servent la démocratie la menacent aussi.

Chez Voltaire, la tolérance reste d'inspiration chrétienne. Il ne s'agit pas de s'ouvrir à l'autre, mais de tolérer sa présence. C'est une tolérance conditionnelle qui préserve avant tout mon territoire, ma maison, ma culture, ma religion, etc... Elle a une connotation biologique ou organiciste : la notion de "seuil de tolérance" suppose une communauté qui pratique une forme de rejet à l'égard des corps étrangers. Certes, ce type d'invitation cosmopolite est préférable à l'intolérance absolue, et généralement les individus, les familles et les Etats ne peuvent pas faire plus. Mais l'hospitalité véritable, inconditionnelle (selon Jacques Derrida) ne fonctionne pas comme un système immunitaire. Elle suspend les protections usuelles et fait prendre des risques. L'hôte s'expose à de l'inédit, de l'imprévu, du tout autre.

Même si, en pratique, seule la tolérance courante est possible, le second type de tolérance (ou d'hospitalité) reste à l'horizon.