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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | ||||||||||||||||
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La suspension de la voix | La suspension de la voix |
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Sources (*) : |
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La voix coupée du corps | La voix coupée du corps |
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Ignace Lequedeur - "D'une prothèse en plus", Ed : Galgal, 2007, Page créée le 7 mai 1995 Voix-meduse - |
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Démesure et brisure de la portée des voix | La voix se détache! Il faut conjurer la panique |
Démesure et brisure de la portée des voix |
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Le retour de la voix | Le retour de la voix |
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La voix se retire! | La voix se retire! |
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C'est une réalité actuelle et un phénomène historique. A un certain moment, la voix sest détachée. Et cette voix détachée n'était plus la voix, c'était devenu autre chose.
Quand? Dans les années 1890-1910. En choisissant des dates, je ne délimite pas une période de manière stricte, je veux simplement dire qu'il s'agit d'un évènement historique, localisable, descriptible dans ses causes et dans ses effets, même si on peut aussi l'interpréter de manière mystique ou métaphysique. Le processus était engagé de longue date, comme en témoigne la succession des inventions : le télégraphe (vers 1840), le téléphone (1876), le phonographe (1877) et la radio (vers 1895). Ces inventions peuvent être attribuées à des personnes, comme Morse pour le télégraphe, Bell pour le téléphone ou Edison (entre autres) pour le phonographe. Mais en pratique les choses se sont passées différemment. A partir dun certain moment, elles étaient inéluctables. Après la première expérience de photographie (1816) et la découverte de lélectromagnétisme (1820), la mise au point dun moyen de reproduire le son nétait quune question de temps. Et dès lors que le son pouvait être reproduit, il était fatal que la voix humaine devienne lobjet premier de cette reproduction. Cet objet étrange, aux propriétés encore mal élucidées, dont la maîtrise par l'homme n'était prévue par aucune mythologie ni prophétie, cet objet devait changer de statut. Il a fallu ensuite que ces inventions généralisent leurs effets et envahissent notre univers, de sa partie la plus publique à notre intimité la plus personnelle. Ce second processus sest produit de façon étonnamment rapide. Alors que le téléphone nest industrialisé que vers 1880, le phonographe en 1894 et la radio après 1906, ils étaient utilisés par environ la moitié de la population occidentale, toutes classes confondues, dès les années 20. Il y a peu dexemple de pénétration aussi massive et rapide de nouvelles technologies. Le terrain était préparé, la société nattendait que cela depuis des lustres, comme on le démontre à partir dautres productions, comme celles de la littérature et de lart. On sen est aperçu tout de suite, on a perçu lévénement, mais on na pas trouvé les mots pour le nommer. Devenue acousmatique, la voix se détache de son émetteur. C'est ce qu'on appelle une voix off, hors-champ. Depuis 1930, le cinéma nous y accoutume à grande échelle. Il est de plus en plus courant que le visage de celui qui parle soit invisible. Alors justement pour cette raison il remplit tout lespace (il remplace dieu). Ce qui était exceptionnel (la voix sans source des hallucinations, de la religion, ou de dispositifs particuliers comme par exemple celui de Pythagore) est devenu la règle. Dans nos sociétés libérales, limpératif vocal na pas disparu; il sest disséminé dans lespace. La voix nétant plus liée à limage dun visage doit trouver dautres images auxquelles se lier. Lespace vocal accomplit lopération inverse de lacousmatique : imaginarisation du son. Elle ne leste plus le langage de son poids de corps. En conséquence, le langage sémancipe, les fantasmes d'autoréférence et les métalangages se concrétisent dans l'espace social.
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Comment? La tendance à externaliser ses organes est inhérente à lespèce humaine. Lhomme a externalisé sa main dans les outils, son esprit dans le langage (puis dans la science), son cerveau dans les livres (puis dans linformatique). Il extériorise maintenant sa voix dans les machineries vocales, et la constitue en système externe doté dune certaine permanence et dune capacité à revenir sur lémetteur sous des formes métamorphosées. La voix sinstrumentalise. Elle devient un objet comme un autre. L'objet le plus humain qui soit, la voix, devient artificiel. Mais ce qui est remarquable, cest que malgré ces mutations extrêmes, la voix reste voix. Elle le manifeste en ne perdant pas sa proximité, ni à légard de notre corps, ni à légard de notre être. Il en résulte que la voix reste proche. C'est ce qui marque lambiguité subtile de la situation. Cette voix détachée, artificielle, instrumentalisée, reste ma voix. Même fabriquée par des ordinateurs, digitalisée, transformée, manipulée, elle est ma chair. Si lon ne comprend pas ça, on ne peut rien comprendre au second temps de la modernité.
De quoi? De nous, de notre personne, de notre corps, de notre contrôle, de toute totalité possible. Du fait de ce détachement, il ny a plus de totalité. Toute totalité manifeste son incomplétude. La voix se retire de toute généalogie, de toute parenté ou filiation. On en arrive à ceci : le père ne reconnait pas la voix de son fils, et le fils ne reconnait pas la voix de son père. Ce nest pas nécessairement très nouveau; déjà Isaac navait pas reconnu la voix de son fils, et la légende dit que le père de Maïmonide aurait eu la même faiblesse. Mais que penser dune situation où cette non-reconnaissance ne serait plus individuelle, mais sociale, généralisée? Que penser dune situation assez confuse pour que la voix du père ne se distingue plus des autres voix? Dans la mesure où le discours peut continuer sans elle, la voix se détache du discours. * Le jour où la voix se retirera du symbolique, lhumanité nexistera plus. Ce jour nest plus si lointain. Il est même déjà passé, sans quoi Auschwitz naurait pas été possible. Mais par chance, ce temps-là nest pas irréversible (cest un temps symbolique). Il y a une telle propension de la voix au symbole quelle est toujours apte à rattraper les dégats.
Qu'en résulte-t-il? La voix qui se détache va quelque part : dans un espace particulier quelle contribue à constituer. Ce qui en résulte - entre espace vocal et espace de dissémination - n'est pas une mince affaire, on en a une illustration, parmi d'autres, avec Gilbert & George dans The Singing Sculpture. Il en résulte une voix actuelle, mais en même temps monstrueuse. Le langage nest plus lesté de son poids de corps. Il peut suivre son parcours de façon autonome, métalangagière. Au bout du compte, on a perdu tout contrôle sur la voix. Cest la dissémination. Dune part, la voix se détache de nous. Dautre part, elle revient de façon massive en occupant une place disproportionnée. La combinaison de ces deux processus, qui sont aussi deux événements, constitue un retrait de la voix.
Le processus est loin d'être achevé, elle se détache toujours, il faut vivre avec, s'habituer, tout le temps, qu'on le veuille ou non, tout le temps. |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Ignace MQiVoixDetachement DD.CAO VoixCoupureVW.PAA CtpVocalDD.LDD VoixFecondeDD.LDD BenditoVoixFE.LDE UVoixDetache Rang = OVoixDetacheGenre = MK - NG |
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