Jacques Derrida introduit son séminaire 1986-87 sur le théologico-politique par la question : Qu'est-ce que la vengeance ? Ce qui l'intéresse est la vengeance de Dieu, une vengeance non humaine, non limitable, qui excède l'individu, sa conscience et sa génération et se porte irréductiblement vers le trans-générationnel (séance 1 p1). Selon Hegel, une telle vengeance appartient à la naissance des Etats.

A la fin du Traité Théologico-Politique, Spinoza se montre stupéfait, horrifié par la pensée que le désir de vengeance puisse habiter le cœur de Dieu (Séance 1 p26). En général, on considère la vengeance comme un comportement qui s'écarte du droit, une vindicte, un acte de guerre. Que ce comportement soit possible en Dieu est un sujet d'étonnement. A partir de cette expérience fondatrice de l'effroi, de la crainte de Dieu, s'instaure la théocratie (Moïse), la loi, la monarchie, les prêtres qui ont le droit d'interpréter la parole de Dieu. Il faut un souverain, un seul souverain, et aussi une seule communauté, pour incarner cette violence et lui répondre. Ainsi commence le nationalisme.

Extrait du chapitre XVII du Traité Théologico-Politique de Benedicto Spinoza (Garnier-Flammarion, p296).