Déjà, le romantisme tournait Dieu en dérision. Par défi, il préférait Satan. Il oubliait le contenu positif de la révolte, faisait l'apologie du mal et du meurtre, tout en se considéant lui-même innocent de tout. "C'est ainsi" disait-il, c'est fatal, il n'y a plus ni espérance, ni salut. Si l'ordre divin est indigne, alors le bien qu'il proclame est injuste. On ne peut y répondre que par l'excès, le désespoir, la violence. Dans sa puissance, le héros solitaire peut se faire méprisant, voire criminel, pour lutter contre l'ennui. Incapable d'amour, il vit dans l'exaltation d'un cri, une ivresse frénétique, détaché de la loi morale. Sa douleur sans remède s'accommode du pire. Mais ses blasphèmes prouvent qu'il est encore croyant, qu'il désire la malédiction. Avant de mourir, de courir au néant, il faut qu'il attire le regard par une dernière provocation. En montrant son excentricité, en niant les valeurs des autres par une perpétuelle surenchère, il montre (chaque fois une dernière fois) son image resplendissante devant un miroir. Son esthétique, nostalgique d'une morale, reste conventionnelle. En exaltant une beauté décadente, le créateur solitaire se montre en exemple. Il ne crée pas un monde, il fait carrière pour la postérité. Il ne prend pas le parti des hommes, mais son propre parti.