Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

                     
                     
Musique, corps fantôme                     Musique, corps fantôme
Sources (*) : Peter Szendy               Peter Szendy
Peter Szendy - "Membres fantômes des corps musiciens", Ed : Minuit, 2002, p106

 

Main guidonienne -

[La musique généralise, au-delà de toute psychologie expérimentale, l'expérience des membres fantômes]

   
   
   
                 
                       

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Peter Szendy part de l'expérience du pianiste (qui est aussi la sienne). Qu'est-ce qu'avoir un corps? C'est (paradoxalement) se laisser déposséder de son propre corps - comme si c'était un autre qui jouait, un autre corps inconnu, inquiétant, qui s'emparerait de ses membres devenus flottants, désincarnés. Ce corps n'est plus le sien, il devient un corps de fiction saisi par des voix multiples, façonné par l'écriture musicale, transformé en un corpus que Szendy compare à la figure rhétorique de l'effictio, qui désignait déjà dans l'Antiquité un corps décrit, pensé et interprété par des mots.

Alors que, dans la tradition pythagoricienne ou médiévale, le corps est évacué, il revient peu à peu dans la pratique des musiciens. Szendy fait l'historique de ce retour, de Couperin au jazz moderne. Au 16ème siècle, on s'est intéressé à la question des doigts sur le clavier. Comment les placer, les lier, les bouger? On a commencé à noter les doigtés, à garder l'archive du jeu des corps, à s'interroger sur ce qu'ils pouvaient apporter de plus par rapport à la partition. Plusieurs doigtés sont souvent possibles pour la même composition. L'interprète peut répéter des notes, ajouter des agréments, des ornements, produire des effets différents selon la façon dont il bouge et répartit ses doigts. Cette rhétorique digitale peut se dire en figures, postures et attitudes. Aux dix doigts répertoriés s'en ajoutent d'autres : la main se réinvente, se reconfigure, elle étend ses possibilités, elle "déclame" en faisant varier l'usage du pouce ou d'un autre doigt. Avec les romantiques, les doigts se valent, ils s'égalisent, ils s'isolent du poignet, multiplient les écarts, alternent, s'enlacent, se croisent, s'enjambent et peuvent se substituer les uns aux autres - sans parler de l'usage du pied avec toutes les modifications de son qu'il permet.

Si l'on regarde jouer Thelonious Monk [dont le nom signifie "moine" et peut se lire anagrammatiquement "know" (il sait)], on retient l'impression d'un corps à corps. Entre ses mains se passe un dialogue, une conversation dans laquelle le piano parle imprévisiblement, comme s'il inventait les règles au fur et à mesure. On entend ses mains, son corps, ses ongles, la danse à laquelle il se laisse quelquefois aller, comme si tout cela jouait à son insu, sans lui, en autophonie - par filiation et résonance des corps sonores entre eux. Avec la musique, les relations entre ces corps se démultiplient. Ils résonnent, comme celui d'un chef d'orchestre qui fabrique, entre la salle et les musiciens, un corps collectif.

Une instrumentalité générale, originaire, rassemble les corps, qui sont prédisposés au sonore. Même s'ils ne se touchent pas, s'ils ne se conjoignent pas, ils résonnent dans des espaces qui se croisent mutuellement. Aujourd'hui, comme dans l'idéologie de la musica mundana d'autrefois, il arrive qu'une sorte d'hypnose collective relance le fantasme d'un espace musical unifié. Mais ce ne sont que les membres prothétiques qui s'unifient. En faisant son, ils prolongent les corps et s'en détachent aussi, autorisant les écarts et les jeux différentiels. Avec cet espacement qui surgit aujourd'hui dans l'espace public, on peut envisager un autre engagement musical, qui ferait confiance à la puissance d'invention singulière du corps musicien.

 

 

Cette main "guidonienne" aurait été inventée au Moyen-Âge par Guido d'Arezzo. Efficace pour enseigner la théorie musicale, elle ne montre pas des corps musiciens, mais des signes. Elle ne tient compte ni du chant, ni du corps de l'instrumentiste, ni des instruments eux-mêmes.

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Propositions

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La musicalité la plus propre aux corps producteurs de son est l'autophonie - filiation des corps sonores entre eux

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Une instrumentalité générale, originelle, dispose le corps humain au sonore

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Le musicien virtuose installe dans son corps un autre corps inconnu, inquiétant, dont les membres fantômes semblent jouer d'eux-mêmes

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Penser ou interpréter un corpus, c'est le façonner par des mots, le prendre dans des "effictions" - cette figure de rhétorique où se contractent l'efficace et la fiction

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Plus les corps sonores se disloquent, plus est relancé le fantasme d'un espace musical qui les unifierait, par une sorte de magnétisme ou d'hypnose collective

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Devant et derrière le chef d'orchestre, ce qui est en jeu est la fabrique d'un corps collectif

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Laisser s'inscrire la puissance d'invention idiomatique du corps musicien, d'infimes déliaisons, écarts et corps-à-corps, tel est l'enjeu de l'engagement musical d'aujourd'hui

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Aujourd'hui surgit, sous forme de déliaison et de brouillage des frontières, l'espacement originel qui dispose les corps à faire son

 


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