Comme tels, les corps producteurs de son sont autophones. Cela vaut pour les instruments, et aussi pour les hommes. Déjà les chinois avaient inventé la harpe éolienne - des sifflets et flûtes fixés au dos des cerf-volants. Les Grecs avaient inventé l'orgue hydraulique, qui produisait des sons en comprimant des liquides avec de l'air. Ces instruments sont des modèles pour le corps - qui résonne avant de raisonner.

Le jésuite Athanase Kircher (1601-1680) est le premier à utiliser le mot "autophone" dans sa Musurgia universalis de 1650. Il désigne par là un dispositif susceptible de produire de la musique mécaniquement. Par son Verbe, Dieu se fait organiste, et la Genèse est conçue comme une affaire de claviers et de registres. A la fin du 19ème siècle, le mot est utilisé par Victor-Charles Mahillon pour désigner le mouvement vibratoire d'instruments de percussion, qui résonnent chacun selon leur nature.

Selon Peter Szendy, l'autophonie est le tout premier trait qui distingue certains corps sonores, voire tous les corps entropiques, partout, y compris le corps humain. Les corps se composent entre eux. Ils ne sont pas arrimés à un centre; ils corésonnent. Une sorte de télépathie les réunit.