De quoi parle-t-on quand on évoque le pouvoir du peuple? Pas du pouvoir des gens qualifiés ou prédestinés à l'exercer par la naissance, l'âge, la compétence, l'expérience ou tout autre critère de ce genre. Le pouvoir du peuple, selon Marc Crépon, c'est d'abord celui de n'importe qui, y compris, par exemple, de quelqu'un qui serait choisi au hasard. On sait qu'en pratique, dans le système moderne de représentation, il n'en est pas ainsi. Le pouvoir est monopolisé par des élites, généralement auto-proclamées, qui s'allient entre elles et donnent l'impression que la démocratie est un jeu de dupes. Mais on ne peut pas pour autant dire que le vote ne sert à rien, comme l'affirme Alain Badiou. Il peut, malgré tout, contrarier les intérêts de l'oligarchie. Quand cette possibilité de contestation est interdite, la situation du peuple est bien pire - comme le prouvent les révoltes qui ont lieu ici et là, pour lesquelles des hommes et des femmes sont prêts à se sacrifier. Pouvoir constituer des organisations politiques, écrire et diffuser des textes, n'est pas indifférent. Cela oblige le régime politique à sortir de ses gonds. Nul ne peut se l'approprier.

Dire que la démocratie est un régime mixte, c'est dire que la confiscation du pouvoir et la démophobie ne sont pas des phénomènes externes, des menaces venues du dehors; elles lui sont inhérentes, aussi inhérentes que les résistances et les contestations.