Freud avait toujours désiré aller à Rome, mais il ne peut réaliser ce souhait qu'en 1901, à l'âge de 45 ans - dix ans après que son père lui ait écrit, en hébreu, une dédicace où il l'incitait à reprendre l'étude de la bible. Son père est mort en 1896, et dans les années qui suivent, il a créé la psychanalyse en commençant son auto-analyse. C'est là qu'il découvre, dans l'église de Saint-Pierre-aux-Liens, la statue de Michel-Ange qu'il retournera voir à chacune de ses visites. En 1914, il publiera un essai intitulé "Le Moïse de Michel-Ange".

Pourquoi Moïse tient-il les tables de cette façon dans son bras droit? En colère contre son peuple, va-t-il briser ces tables qu'il a rapportées du mont Sinaï? C'est ce que dit l'Ecriture, mais Freud l'interprète autrement. S'il serre les tables, c'est parce qu'il se retient. Au moment où Michel-Ange l'a saisi, il tente de ne pas se laisser submerger par la fureur. Il se souvient de sa mission, il ne doit pas se laisser emporter par ses affects.

Si cette statue a une telle importance pour lui, c'est parce qu'il y trouve des identifications. Mais lesquelles? Est-il, lui, un Moïse sur le point d'entrer dans la Terre promise? Ou bien ce Moïse représente-t-il son père Jakob, qui retient, lui aussi, sa colère, parce que son fils Schlomo (Sigmund) a renoncé à la torah?

Alors que son père, en 1891, pour ses 35 ans, lui avait fait cadeau d'une bible dédicacée l'invitant à revenir à l'étude, il s'est tourné vers la psychanalyse. Devant cette figure paternelle, Freud se sentirait-il coupable?