Chez les encyclopédistes, la technicité est saisie au niveau des éléments des dispositifs (exemples : un engrenage, un pas de vis). A ce niveau, les améliorations peuvent être directement constatées par l'opérateur, sans que l'ensemble technique ne soit bouleversé. Les méthodes et les gestes habituels sont conservés, mais ils donnent de meilleurs résultats. Ce processus ne génère pas d'angoisse. Il produit l'optimisme, la confiance, voire l'euphorie : ce sont les limites du schéma corporel tout entier qui sont reculées.

Les découvertes scientifiques du 18ème siècle ont permis d'améliorer les outils, d'augmenter le rendement (moulin à vent, métiers à tisser). Tant que l'individu humain reste lui-même individu technique (l'atelier), il n'est pas déclassé et ne s'oppose pas aux machines. Le progrès est pensé abstraitement, intellectuellement, au niveau des résultats d'ensemble, comme une prise de possession de la nature par l'homme.

Avec le 19ème siècle, la pensée du progrès se dissocie de ce qui est éprouvé par les travailleurs. L'ingénieur devient organisateur, les opérateurs se sentent aliénés. C'est la continuité entre l'individu humain et l'individu technique qui est brisée. Pour ce dernier, la machine ne prolonge plus le schéma corporel. Sa finalité réside en elle-même, dans son auto-régulation, et non dans son rapport à l'individu.