Selon Gilbert Simondon, la phase magique est la première étape du rapport de l'homme au monde, celle qui fait surgir la distinction entre le fond et les figures. Dès cette phase, les religions apparaissent comme des fonctions de totalité (le fond), tandis que les techniques, faites de schèmes définis et particuliers, situent l'action du côté des figures. Les figures structurales occupent des points-clefs, discontinus, vécus comme des commencements, tandis que le temps et l'espace courants servent de fonds continu.

Dans la pensée technique, les points singuliers se détachent du monde. Certains lieux sont aménagés (par exemple des collines en châteaux-forts) dans un souci d'efficacité. En devenant disponible, la chose technique se libère du fond du monde. L'unité entre la forme et le fond, qui appartenait au monde magique, est rompue. Une dissymétrie s'instaure : la religion a un statut supérieur à l'unité, et la technique un statut inférieur à l'unité. Un être particulier est toujours inférieur à la totalité et dépassé par elle. La religion universalise la fonction de la totalité (un arrière-fond sans limite, spatial et temporel). Elle se détache du monde. Par contraste, les objets techniques sont multiples, parcellaires, inadéquats au monde sauf en un seul point et un seul moment.