Pour Rosenzweig, la Rédemption n'est pas un rapport avec Dieu. C'est un rapport avec le langage (la première personne du pluriel, le futur) et une catégorie de l'expérience collective. Le Royaume, état final du monde, est une limite ultime, indépassable, un à-venir sans commune mesure avec notre présent. On ne peut pas l'atteindre par la progression d'un temps historique, continu (le progrès), sur le modèle de la causalité physique, de l'évolution vitale ou de l'utopie. En effet la vie implique la mort, c'est-à-dire l'inachèvement. Rien ne garantit que l'histoire de l'humanité se terminera par triomphe du Bien.

Rédemption signifie rupture violente du tissu historique. Au coeur du temps, une altérité absolue fait irruption, une expérience radicalement différente de ce que nous connaissons. Tandis que l'utopie ne propose à l'imagination qu'une nouvelle combinaison d'éléments déjà connus (de l'ordre du quantitatif), la Rédemption implique un saut qualitatif, une réalité absolument autre. C'est un choc, l'ouverture d'un abîme, qui n'est pas exceptionnel mais présent dans les espérances courantes des hommes. Par exemple le simple espoir d'une fin des souffrances ou de la paix éternelle existe en nous. On le voudrait ici et maintenant [même s'il n'est pas rationnellement possible]. Cette impatience messianique est l'essence de la Rédemption.

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Propositions

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