Dans la conception moderne de l'histoire, le temps est conçu comme une longue progression linéaire, ordonnée, continue et irréversible, se développant d'étape en étape sur le modèle de la causalité physique, vers un terme idéal, peut-être impossible à atteindre mais descriptible : l'utopie. Dans la conception hegelienne, même les forces négatives concourent à cet aboutissement. On n'attend aucune surprise, aucune rupture violente et imprévisible du continuum temporel. Des éléments déjà connus se recombinent indéfiniment sur un chemin sans fin.

Cette conception s'oppose à celle d'un à-venir imprévisible (Derrida) ou d'une Rédemption (Rosenzweig) où ce qui survient est radicalement nouveau, absolument autre, où l'attente ne porte pas sur un avenir éloigné mais sur l'imminence de ce qui peut survenir aujourd'hui, ici et maintenant. L'infini n'est plus considéré sous l'angle d'un accroissement quantitatif, sensible (le mauvais infini des nombres rationnels qui se succèdent sans fin), mais sous l'angle de la manifestation visible, concrètement présente, quoiqu'étrange, super-sensible (le bon infini des nombres irrationnels qui s'arrêtent à une limite).