Pour régner, le souverain doit être capable d'intérioriser ce qu'il ne contrôle pas. Cela vaut pour le politique, mais aussi, par exemple, pour la folie à l'âge classique telle que décrite par Michel Foucault : par sa décision souveraine d'enfermer ou d'interdire (c'est-à-dire en suspendant lui-même la règle en cours), il désigne ce qui le déborde, il donne lieu à l'exception. Il arrive ainsi à se maintenir en relation avec l'extériorité. Il en résulte une situation qui n'est ni de fait, ni de droit, mais au seuil. L'excès n'est pas réduit ni neutralisé, il n'est pas fixé dans l'ordre juridique, il est localisé, situé dans une relation topologique complexe, il est saisi tout en restant une exception.

Si aucune norme ne peut être appliquée au chaos, il faut instaurer entre l'ordre et le chaos une zone intermédiaire, une zone d'indifférence qui permet d'entrer en relation avec ce qui reste hors-relation. C'est la fonction de la décision souveraine, qui est l'archétype de toute localisation juridique. A l'époque moderne, cette zone intermédiaire a émergé au premier plan, jusqu'à devenir la structure politique fondamentale.