Placé entre religion et politique, le serment a une importance cruciale dans l'histoire de l'Occident. Selon Paolo Prodi, il est la base de son pacte politique. A partir d'un événement qu'on a appelé la mort de Dieu, quand le nom de Dieu s'est retiré de la langue, il a commencé à décliner. Ce déclin irréversible correspond à une crise qui laisse penser que nous entrons dans de nouvelles formes d'association politique. C'est une rupture qui sépare :

- les choses et les actions qui affectent un vivant toujours plus réduit à sa dimension biologique, sur lequel la parole n'a plus aucune prise,

- le parlant incapable de répondre à l'évolution des choses,

- entre les deux, de multiples dispositifs technico-médiatiques vis-à-vis desquels l'expérience politique est toujours plus précaire.

Le lien entre les mots et les choses n'est pas seulement cognitif. Il est éthique et implique le "je" dans son lien vivant avec la langue. L'homme doit, pour parler, se mettre en jeu dans sa parole : bénire, maudire, jurer et parjurer. Par ce sacrement du langage, il dit "Oui" à la langue. Mais si le primat des noms est mis en cause (ce qui se produit dès l'émergence de la philosophie), on risque de tomber dans la vanité de la parole et jurer en vain au nom d'une politique réduite à une économie.

Un tournant ne peut se dessiner qu'à partir d'une froide conscience de cette situation.

© Gilbert Garcin