La volonté est oeuvrante. Elle assure le "chez soi" de l'être séparé. Mais qu'advient-il de la volonté dans l'oeuvre? Même si l'oeuvre a une signification, la volonté reste muette en elle. Elle s'insère dans les choses comme un travail. Dans l'anonymat de la marchandise, elle s'absente, et l'ouvrier lui-même disparaît.

Dans l'oeuvre, la volonté tient en main tous les fils qui actionnent son être. En elle s'assure l'intériorité. Comme un corps, elle s'insère dans le monde des choses. Mais cette volonté essentiellement athée qui se refuse à autrui, se livre à autrui par l'oeuvre. On peut comparer ce retournement à la position du héros : l'absurdité du destin déjoue sa volonté, il joue un drame qui déborde ses intentions. De même l'oeuvre se sépare de son auteur - à moins que ce ne soit la volonté qui se sépare de son oeuvre. Une volonté étrangère s'empare d'elle.

Réaliser une oeuvre, c'est aboutir dans l'inconnu, c'est ne pas mesurer les conséquences de son acte. L'oeuvre reçoit son sens à partir de l'autre. Dès son origine en moi, elle est vouée à une histoire que je ne peux prévoir. Elle résiste à la connaissance.