Avec la civilisation du travail et de la possession, l'être séparé surgit. Il arrache les choses aux éléments et ainsi découvre le monde. Cette saisie originelle, cette emprise du travail transforme la nature en monde. Une fois acquises, les substances durables (bien-meubles, transportables) sont mises en réserve et perdent leur indépendance. Elles deviennent maîtrisables, identifiables.

La chose dont le travail se saisit a perdu son être. Alors que l'élément n'a ni origine, ni avenir prévisible, ni commencement ni fin, la chose possédée se rapporte aux fins égoïstes du moi. La main rapporte l'élément à la finalité des besoins, elle constitue les choses en les séparant de la jouissance immédiate. Elles les fait revenir vers l'intériorité de la maison. Dans son intention première, le travail est mouvement vers soi, acquisition, pas transcendance. Sans recourir à l'idée de l'infini, il définit la matière et apaise son obscurité insondable. Elle répond par sa résistance, et non pas face à face. On ne peut pas dire que le travail exerce une violence, puisqu'il s'applique à ce qui n'a pas de visage, à la résistance du néant.

Les éléments imprévisibles ont une emprise sur nous; mais le travail affirme son pouvoir sur le temps. Son produit est durable, permanent. Il tend à maîtriser l'avenir.