En produisant le monde, le démiurge de Platon en promet une représentation idéale, mais il est incapable de la garantir. Ce monde tel que décrit par le Timée est un objet votif, un monument, un sanctuaire sacré où l'on peut contempler l'impuissance du démiurge.

1. En produisant (poiesis), à partir des quatre éléments, un monde sensible, il laisse espérer un équilibre auto-régulé du cosmos. Mais cet équilibre ne dure pas, ce monde est menacé de dissolution.

2. On peut tenter de le sauver en le représentant par un modèle idéal (le ciel étoilé, la rotation des planètes). Mais ce modèle se révèle pour ce qu'il est : une opération mimétique (mimesis) où l'âme intelligente se débat dans un corps sensible qui ne lui correspond pas.

3. Le démiurge voit venir sa fin. Il se retire, mais il reste engagé. S'il renonce à sa responsabilité, s'il délègue ses pouvoirs, s'il semble abandonner, c'est pour se consumer dans un ordre rationnel qu'il pose comme origine. Il choisit le désoeuvrement. Le pire est possible, concevable, mais le monde peut s'organiser. Le démiurge mourant confie à l'homme philosophe le soin de tenir ses promesses. Mais le pire peut toujours se produire. Malgré sa sagesse, sa prudence et son discernement, le philosophe peut échouer.