Il n'y a pas dans les réseaux de "citoyenneté" électronique au sens où ce terme est défini par la loi des Etats. Certes, de nombreuses communautés existent et fonctionnent, mais elles sont fragmentées et volatiles. Le genre de citoyenneté ou d'e-citoyenneté qui en résulte correspond à des prises de parole instables qui ne se cristallisent guère en enjeux politiques. Pourtant l'expression sur Internet, identifiée ou anonyme, peut être sérieuse.

Qu'est-ce qu'une expression sérieuse? C'est une opinion éventuellement infinitésimale (une joie, une souffrance, une volonté militante), qui existe et persiste. Elle donne un sens, une place irréductible, à ce qui peut sembler insignifiant. Elle l'inscrit dans une réalité humaine. Elle peut être oubliée mais aussi ressurgir, intacte et audible. L'effet qu'elle produit est fugitif, parfois irrationnel. Il ne dépend pas d'un espace numérique assujetti à des règles, mais d'une infinité de requêtes, d'une interaction entre blogs, amitiés, inimitiés, échanges, partages et collaborations diverses.

La démocratie électronique n'est pas liée à des corporations, des groupes d'intérêt ni même à des associations. Elle s'impose par le sérieux protéiforme du singulier, du déviant, de l'hétérogène et de l'hétérodoxe. Elle est réfractaire au consensus et même au dialogue.